Histoires de guerre jurassienne

 Vous trouverez dans cette catégorie des fiches concernant des évènements, faits, lieux marquants de la seconde Guerre Mondiale et de la Résistance dans le Jura.

Un département, trois zones, le Jura

La ligne de démarcation dans le Jura s’étend de la frontière suisse à la région doloise, soit plus de 100 kilomètres. Au Nord elle suit les « frontières naturelles » que constituent les cours de la Loue et du Doubs. A l’Est, son tracé est plus aléatoire, hormis dans sa partie méridionale où elle suit la R.N 5, Paris-Genève (Route Blanche). De nombreux cantons, communes, voire villages sont traversés par la ligne, ce qui complique sérieusement la vie locale. De plus trente-cinq communes sont dans la même situation, coupées en deux par ce tracé qui variera ponctuellement au gré des intérêts de l’occupant.

Le Jura fut le seul département français à être divisé en trois zones :

* La Zone Non Occupée ou « Libre » comprend la plus grande partie du département (Les 3/5ème du territoire, peuplés d’environ 130.000 habitants). Le Préfet installé à Lons le Saunier relève désormais de son supérieur en poste à Lyon.

Après l’occupation par les troupes allemandes en novembre 1942 on la désignera alors communément « Zone Sud ».

* La Zone Occupée, au sens strict du terme, séparée de la zone interdite par le canal du Rhône au Rhin, se réduit pour l’essentiel au canton de Chemin à l’extrême Nord-Ouest du département.

* La zone réservée ou interdite, (appellation la plus courante) compte environ 90.000 habitants. Dans l’esprit de l’occupant ces territoires de futur peuplement germanique devaient à terme, à l’instar de l’Alsace-Lorraine, être intégrés au Reich ; de ce fait les personnes qui l’avaient quittée lors de l’exode n’avaient le droit d’y revenir qu’avec l’autorisation de l’occupant.

Après novembre 1942, on désignera ces deux zones sous le nom de Zone Nord.

Le Jura occupé

Celui-ci fait partie pour l’administration allemande du district « C » qui englobe l’ensemble du Nord-Est de la France.

C’est de Dijon que viennent les instructions adressées à Besançon, siège de la Feldkommandantur 560.

A l’échelle du Jura occupé, une Kreiskommandantur installée à Dole (et disposant d’une antenne à Salins), impose ses oukases au Sous-Préfet tenu de faire exécuter ses ordres par son administration. L’occupant exerce une autorité discrétionnaire sur les populations, il peut interner, déporter, exécuter quiconque sans en référer aux autorités françaises.

Par ailleurs la Wehrmacht et ses services, indépendante de l’administration civile, gèrent l’occupation du territoire.

Ce régime d’occupation s’appuie également sur une batterie d’organes de contre-espionnage et de police dont les plus connus sont la police du parti nazi, le Sicherheitsdienst, (SD), le Sicherheitspolizei (S.D. Sipo) (police de sûreté),) communément appelée Gestapo par les Jurassiens, et la Gestapo.

Au début de l’automne 1940, le retour des Français en zone occupée n’est pas terminé : sur 8 millions de personnes cherchant à rentrer, ils ne sont que 5 ou 6 millions à avoir pu franchir la ligne.

Dans le Jura, 25 postes permettent de franchir la ligne de démarcation ; ils sont installés :

- Sur le Doubs, à Neublans-Abergement et Chaussin (ponts de Peseux et de Longwy). C’est par eux que transitent les réfugiés en règle de la zone occupée et la zone « libre ».

- Sur la Loue : le pont de Parcey est de loin le plus important ; c’est par lui que doivent passer tous ceux qui veulent se rendre en zone interdite, notamment les Alsaciens- Lorrains et les étrangers (Belges, Hollandais, ..) regagnant leur pays.

Mont-sous-Vaudrey, Vaudrey, Ounans, Chamblay.

- Sur les routes : St-Cyr-Montmalin, Vadans, Buvilly, Molain, Valempoulière, Ardon, Ney, Le Vaudioux, Châteauneuf, le Frasnois, Crotenay, Chaux-du-Dombief, la Chaumuse, Saint-Laurent en Grandvaux, Tancua, La Mouille, Prémanon et Lajoux.

La ligne que l’on ne peut franchir sans autorisation, le fameux Ausweiss qui se décline d’ailleurs en fonction des personnes, des besoins allemands et de la conjoncture, est une véritable frontière que les occupants veulent hermétique, établissant de facto deux France.

Source : André Robert, Historien

 Massacre aux Rippes d’Alièze, témoignage du maire d’Alièze de l’époque : « Le 7 mars 1944, quatre des résistants qui logent aux Rippes d’Alièze et leur chef sont arrêtés à Lons-le-Saunier par des Allemands et des miliciens qui leur ordonnent de les conduire à la ferme qui les abrite ainsi que leurs camarades. Le chef réussit à s’échapper. Espérant que leur chef pourra prévenir leurs camarades restés à Aliéze, les quatre maquisards indiquent aux Allemands un chemin long et détourné pour parvenir à Alièze. Mais le chef ne peut arriver avant les Allemands. A minuit le combat s’engage, les Allemands lancent des grenades par les fenêtres, une voisine est blessée. Les résistants ripostent avec leurs armes et le 8 mars 1944 au petit jour, les ennemis incendient la ferme. Les jeunes patriotes se réfugient dans la cave et continuent la lutte. A 8 heures, les Allemands vont chercher du renfort (2 camions, une soixantaine de soldats), le feu grandissait (activé par l’essence du maquis), les jeunes sont contraints de sortir de leur refuge. A 10 heures, après une longue nuit de lutte, ils sont tués : les 6 qui se trouvaient dans la ferme et les 4 qui ont été ramenés de Lons et qui ont assisté impuissants au combat. Non contents d’avoir fait mourir les braves, les Allemands entassent leur corps sur un tas de bois et les brûlent. Quelques os seulement sont retrouvés, il est impossible d’identifier les corps ».

 Le lendemain matin, le groupe franc « Chamouton » du secteur, découvre la tragédie. Il ramènera l’un des corps à l’église d’Orgelet où, bénéficiant de la complicité et de la compassion du vicaire Jean Besançon, sera rendu par la population un ultime hommage à ces martyrs. Ce vicaire très favorable à la Résistance sera plus tard déporté à Neuengamme. Il en est rentré. Les propriétaires de la ferme où étaient installés les maquisards, madame Angèle Vuillet et son fils Gilbert seront déportés, (rentrés).

 Quelques heures après l’assassinat, Madame Angèle Vuillet, propriétaire de la ferme des Rippes, accompagnée de son fils Gilbert, âgé de 17 ans vient constater l’ampleur du drame. Là, deux miliciens les obligent à remonter à leur domicile, la ferme isolée de La Corbière située dans la forêt de Présilly. Entre temps, sentant le danger, les hommes qui habitaient la Corbière s’étaient enfuis ; il s’agissait du fils aîné Vuillet, d’un ami italien qui se cachait là pour fuir le STO, et d’un soldat allemand déserteur. Les femmes restèrent avec les enfants ; on pouvait croire encore en cette année 1944 que seuls les hommes adultes risquaient l’arrestation. Angèle Vuillet et son fils furent embarqués à la gendarmerie de Lons le Saunier. De là ils partirent, lui pour le camp de Compiègne-Royallieu, elle pour le fort de Romainville. Après quelques semaines Gilbert fut déporté à Mauthausen. Angèle était dans le convoi parti de Paris le 18 avril 1944 et arriva à Ravensbrück le 22 avril. 416 femmes, dont 291 résistantes françaises faisaient partie de ce convoi ; elles furent installées dans les blocks 15, 26 et 31. Angèle portera le numéro 35487. Du même convoi, Jacqueline Péry raconte :
« La vie au 31 était un enfer. Nous étions 1600 pour un espace devant contenir normalement 425 lits en trois étages. C’était l’hiver. Beaucoup de femmes n’avaient pas de couverture et les fenêtres n’avaient pas de carreaux. Nous étions sans lumière. On partait le matin dans l’obscurité. Le soir au retour du travail, il faisait déjà nuit. Il fallait pour gagner son lit ou toucher un morceau de pain engager une bataille afin de se frayer un passage à travers une masse compacte qui ne pouvait ni avancer ni reculer, frappait, hurlait dans toutes les langues… Pour aller au lavabo, lorsqu’il y avait de l’eau, il fallait également percer la masse couverte de poux avant d’atteindre la vasque…» Au mois de mars 1945, un convoi de résistantes quitte Ravensbrück, Angèle Vuillet est de celles-là. On ignore leur sort. Ce fut Mauthausen. 

« Le beau Danube » :
« Le 21 avril 1945, raconte Marijo, une Aufseherin arrive en courant et crie : « Faites sortir toutes celles qui peuvent marcher. » En tremblant nous obéissons, pensant qu’il s’agit d’un transport noir, d’une sélection. J’aide une petite malade à marcher jusqu’aux barbelés, et là, nous voyons deux hommes, deux véritables êtres à expression humaine, portant un brassard blanc marqué d’une Croix-Rouge. Ils parlent en français : « Mesdames, vous allez être rapatriées par la Suisse, vous partez demain matin. » 22 avril – « Enfin, la porte du camp s’ouvre, des camions blancs, sous le signe de la Croix-Rouge, viennent jusqu’à nous et nous partons. Derrière nous, la lourde porte se replie, et doucement nous nous éloignons pour nous regrouper sur l’esplanade, devant le camp. Là, une infirmière suisse nous demande si nous sommes bien ; il y a si longtemps qu’on ne nous a parlé ainsi, avec une telle expression ! Nous sommes touchées aux larmes. Enfin, nous partons. Le camp s’éloigne et je reste les yeux vides, muette, frappée de stupeur. Le soir, nous coucherons dans une grange, au milieu du foin qui sent bon. Nous nous réveillerons libres, sans savoir encore en être heureuses. Notre convoi est escorté d’Allemands. C’est toujours la guerre. Nous roulons à travers l’Autriche, très belle, merveilleuse pour nous. Mais je ne réalise pas bien, sauf peut-être un après-midi : nous étions arrêtées près d’un petit torrent ; j’ai été toucher l’eau. Au-dessus de moi des arbres fleurissaient, tout blancs ; plus haut, la terre qui sentait bon au soleil ; plus haut un peu, la neige. Alors, un peu de vie s’est glissée en moi. »
Angèle Vuillet rentre à Alièze, épuisée et malade ; elle s’éteindra en 1949 à l’âge de 53 ans. Nombreuses furent ces femmes discrètes qui dans l’ombre des maquisards eurent des gestes héroïques. En témoigne Germaine Tillion : « Je me souviens aussi de ces deux femmes de la même famille, des paysannes quasi illettrées, qui avaient nourri des maquisards du Vercors. Tous les hommes de la ferme avaient été fusillés, la ferme brûlée. Toutes ces femmes sont mortes à Ravensbrück. Il ne reste plus personne, plus rien, aucun témoin. Qui va parler de ces gens-là ? Moi-même je ne sais pas leur nom, je ne pouvais pas retenir les noms de toutes les camarades qui étaient là, il y a eu 123 000 détenues à Ravensbrück ! »

 Quand au petit matin du 8 mars 44, Madame Angèle Vuillet vient constater le drame de la ferme des Rippes, elle est accompagnée de son  fils Gilbert qui approche de ses 18 ans. C’est là que les miliciens les interceptent, les ramènent à la ferme de la Corbière où ils vivent et les arrêtent ; ils seront donc interrogés et enfermés à la prison de Lons le Saunier. On sait que Madame Vuillet sera déportée à Ravensbrück, puis à Mauthausen d’où elle sera libérée par la  fils Gilbert qui approche de ses 18 ans. C’est là que les miliciens les interceptent, les ramènent à la ferme de la Corbière où ils vivent et les arrêtent ; ils seront donc interrogés et enfermés à la prison de Lons le Saunier. On sait que Madame Vuillet sera déportée à Ravensbrück, puis à Mauthausen d’où elle sera libérée par la  Deux cent mille déportés passèrent ainsi par Mauthausen parmi lesquels cent vingt mille y laissèrent leur vie.
CCoommmmee pplluuss ddee llaa mmooiittiiéé ddeess ddééppoorrttééss ddee ccee ttrraannssppoorrtt dduu 66 aavvrriill GGiillbbeerrtt eesstt ttrraannssfféérréé aauu KKoommmmaannddoo ddee MMeellkk, le 24 avril 1944. La petite ville de Melk, dans une boucle du Danube, est dominée par l’une des plus resplendissantes abbayes baroques… C’est pour des motifs géologiques et stratégiques que Melk fut choisie. L’objectif industriel était la construction d’une usine souterraine de roulements à billes. En un an, quatorze mille quatre cents détenus furent affectés à Melk. Monsieur Vinurel dans « Rive de cendre » nous raconte : C’était un va-et-vient continuel de groupes de déportés à travers le village, à différentes heures du jour, été comme hiver, par tous les temps ; les habitants ne pouvaient pas éviter ces milliers d’hommes se traînant, épuisés, hagards, l’un soutenant l’autre, au rythme des coups assénés par les kapos et les gardes.
Chaque semaine, arrivèrent des détenus de toute l’Europe (Allemands, Autrichiens, Espagnols, Polonais, Grecs, Roumains, Italiens, Yougoslaves, Russes,…)
Le camp de Melk ne fut pas libéré, mais évacué à l’approche de l’armée soviétique. Le 15 avril, les détenus « valides » furent acheminés, soit par camion, soit en wagons à bestiaux, jusqu’à Ebensee. Ebensee est nichée au bord du lac Traunsee, dans un écrin de montagnes, à 100km de Mauthausen. Le camp c’est « Un terrain boisé sur lequel on a disposé les baraques de manière à couper le moins d’arbres possible, de sorte que les habitants des environs ne voyaient pas ce qui s’y passait... je cite ici Florian Freund. Les détenus sont affectés au percement de tunnels : un immense espace qui s’agrandit chaque jour un peu plus. Là-dessus, des voies ferrées, des trains de wagonnets, des automotrices, des tuyaux, des câbles électriques, des projecteurs. Au milieu des amas de ferraille et de matériaux de toutes sortes, des hommes qui se déplacent, ployés sous le fardeau : dix hommes pour porter un rail, huit hommes pour porter un poteau. La ronde ne s’arrête jamais… Une fourmilière géante. Cette description nous la devons à Mr Laffitte dans Ceux qui vivent. Le camp ne sera libéré que le 5 mai à 14h avec l’arrivée des premiers blindés américains. Du convoi parti le 6 avril 1944 de Compiègne :763 sont décédés ou disparus 13 mois plus tard, soit plus de la moitié. Rappelons qu’ils étaient 1 489 hommes au départ. C’était il y a 70 ans, Gilbert n’a rien oublié, les bourreaux de Mauthausen continuent à hanter toujours ses nuits. »

(En cours de construction) 

Les opérations de parachutages et d’atterrissages sont essentielles aux Mouvements de Résistance et aux maquis. Elles leur permettent de se développer en assurant le transit des hommes, des matériels, des fonds et des courriers. Avions et équipages sont fournis par la Royal Air Force. Les missions sont toujours programmées de nuit, entre le premier et le dernier quartier de lune, pour profiter de conditions favorables d’éclairement, ce qui ne laisse en pratique qu’une marge d’une quinzaine de jours par mois pour opérer. Le terrain Orion est l’un des nombreux terrains utilisés, il a bénéficié de 4 atterrissages clandestins entre mai 1943 et février 1944 :

  • 19-20 mai 1943 : Avion Hudson - Agent responsable au sol Bruno Larat - Chef de bord Hugh Verity - A l’arrivée : Daniel Mayer et 24 colis - Au départ : 8, Valentin Abeille, Couty, Benazet, Roger et madame Donadieu, Francis Closon, Lassalle et Roger Lardy.
  • 14-15 septembre 1943 : Avion Hudson - Agent responsable Paul Rivière - Chef de bord commandant Hodges - A l’arrivée : Emile Laffon, Major « Vic » (Anglais), Louis Mangin, Cambas, Bourges-Maunoury, Gaillard, Leisten Schneider, et Camille Rayon - Au départ : Jarrot « Mary », Basset, Marcel Reveilloux, et un autre maquisard. Attendu 10 minutes pour d’autres passagers qui ont manqué le départ, un petit incendie à bord a été éteint par l’équipage, 55 ans plus tard le pilote Sir Hodges a inauguré un grand monument à Bletterans à la mémoire de ces opérations pikup.
  • 18-19 octobre 1943 : 2 avions Hudson - Agent responsable au sol Paul Rivière et Jannik - Chefs de bord commandant Hodges et Affleck - A l’arrivée : 4 personnes Jean Rosenthal, Richard Heslop, Elisabeth Reynolds, capitaine Denis Johnson (USA) - Au départ : 18 dont Emmanuel d’Astier, Vincent Auriol, Albert Gazier, Brunschwig, sénateur Roger Fargeon, Lecomte-Boinet, etc.
  • 8-9 février 1944 : Avion Hudson - Agent au sol Paul Rivière - Chef de bord John Affleck - Nom de code de l’opération « bludgeon » (second essai) - A l’arrivée 7, dont Pierre Fourcaud, Jacques Lecomte-Boinet, etc… - Au départ : 4, John Brough aviateur anglais, Lucie et Raymond Aubrac et leur jeune fils Jean-Pierre.

 

 

 Citation de la commune de Cosges :
« Mettant le terrain Orion à la disposition de l’aviation clandestine, a été un centre particulièrement actif de Résistance. A reçu une grande partie du matériel (armes, munitions, vivres et vêtements) destiné aux divers groupements de Résistance, notamment de la région du Haut-Jura. A vu s’embarquer, à destination de l’Angleterre, monsieur Vincent Auriol, actuellement président de la République française. A abrité un groupe de 25 maquisards et un groupe de l’A.S. Sa population grâce à son unité d’action, sa discipline et sa discrétion a pu oeuvrer de façon continue sans s’attirer de représailles. Cette citation comporte l’attribution de la Croix de guerre avec étoile de bronze. »

 

 

 Bibliographie :
« Nous atterrissions de nuit… » Hugh Verity, éditions Vario,
« Ils partiront dans l’ivresse » Lucie Aubrac, éditions le seuil
« Où la mémoire s’attarde » Raymond Aubrac, éditions Odile Jacob
« Jura 1940-1944 Territoires de Résistance » André Robert, éditions du belvédère

Après la capitulation de nos troupes face au Reich hitlérien en juin 1940, les nazis développent en France une communication visuelle systématique, qui
ne cesse d’étonner par sa démesure.


L’État français met en place un puissant secrétariat à l’information, le premier du genre, dont l’objectif initial est de substituer l’image du nouveau régime, à celui de la République. La figure emblématique de Pétain avec tous les attributs du Maréchal : étoiles, bâton et feuilles de chêne, remplacent le symbole républicain, et la francisque réapparait sous un jour nouveau. La troisième République est remplacée par la dictature de « l’État Français », avec sa nouvelle devise ; le territoire est morcelé par les terribles conditions de l’armistice ; les denrées alimentaires sont rationnées ; c’est pourquoi « l’État Français » est contraint à une grande réforme de ses imprimés à tous les niveaux,  malgré tout, restée inachevée. La seule identité visuelle fut celle de la SNCF, à partir de 1943. C’est à compter de cette date que les français bénéficient de papiers homogènes
sur l’ensemble du réseau ferroviaire, dans l’intérêt également du Reich hitlérien, alors que la Déportation redouble d’activité et que débute aussi la bataille du rail.


D’impressionnantes campagnes d’affiches, une diffusion massive d’imprimés, rappellent à tous propos la devise de cette « révolution nationale » : « Travail – Famille – Patrie ». Cette publicité et ces affiches demeurent l’élément essentiel du langage de Vichy ; sa diffusion est totalement aux mains de l’occupant nazi dans la zone nord, puis elle s’étendra à l’ensemble de la France en 1942. La répression à l’égard de la Résistance fera l’objet de communiqués, d’avertissements fréquents, de prises d’otages et de récompenses à la délation.


La presse clandestine de la Résistance intérieure s’affirme par une présence qui ne se démentira pas, au fil des semaines, en assurant des informations fiables. Reproduite au début sous forme de feuilles ronéotypées, elle bénéficiera bientôt de l’ingéniosité des imprimeurs résistants. Dès mars 1943, de concert avec l’occupant, Vichy impose le S.T.O
(Service du Travail Obligatoire) vers l’Allemagne. Avec les restrictions et les cartes d’alimentation, la Résistance s’amplifie et déjà beaucoup d’appelés prennent le maquis. La Croix de Lorraine reparaît en tant qu’emblème national, défiant ainsi la francisque de Pétain.


Le Haut-Jura se prête à cette résistance organisée par des groupements divers de réfractaires. Elle prendra de l’importance sous l’égide du Comité National de la Résistance fondé le 27 mai 1943, avec Jean Moulin à sa tête. Avec la complicité des miliciens et de leurs collaborateurs, le Reich hitlérien accentue la répression contre toutes les personnes qui apportent leur aide aux maquisards. Le Haut-Jura a payé son tribut fort cher face à l’ennemi. Nombreux ont été fusillés, torturés, voire déportés en grand nombre, comme à Saint Claude le 9 avril 1944, mais aussi dans la région du Grandvaux. Certains Conseils Municipaux, en contradiction avec la politique de Pétain, ont été dissous et remplacés par une délégation à l’image du  dictateur, comme dans la commune de Ravilloles le 1er février 1941, ainsi que dans la ville de Saint Claude. En raison de ces circonstances, la commune de Ravilloles, à l’image de beaucoup d’autres, est entrée dans le camp des opposants. D’ailleurs le poste de Commandement Départemental de la Résistance y a siégé un certain temps.

Nos Maires, déchus par le régime en place, tels Luc Delatour et Maurice Regad-Pellagu, ont hébergé clandestinement ce commandement. Il faut rappeler que dès les premiers appels au STO, le maquis s’est constitué à la Montagne, lieudit « Au Poisiat » et à la grange Michaud. Il s’agissait en fait de fermes isolées et inhabitées où s’était installée l’école des cadres du service Périclès sous la direction d’officiers de l’armée de l’air comme Vauchy alias Yanne et Alibert (Ransac), pseudonymes qui avaient toute leur importance à cette époque fortement troublée. Cette école a fonctionné de novembre 1943 à janvier 1944.

En avril 1944, la division de la Wehrmacht qui occupait la ville de Saint Claude (d’où ont été déportés plus de trois cents habitants) ratissait les villages et les fermes aux alentours. Le 14 avril, avant de pénétrer dans le village de Ravilloles, les allemands brulèrent durant leur parcours, la succursale de la Fraternelle de Saint Lupicin ainsi que la maison de notre ami René Regad. Leur arrivée dans notre village fut terrible, ce fut d’abord l’incendie des habitations des frères Patillon dans lesquelles logeaient un nommé Villemin, garde forestier et résistant. Une prise d’otage s’ensuivit avec Paul Patillon et ses deux filles, Raymonde et Simone, Gabriel Boisson et Raymond Bourgeat à son domicile alors que sa mère suppliait l’officier allemand de lui laisser, ayant déjà deux fils prisonniers. Seules les deux filles sont revenues des camps de la mort.

Avec leurs otages, ils prirent la direction de la Montagne et incendièrent la ferme des frères Dalloz, Léon et Marcel, sans épargner leurs brutalités sur Léon alors qu’il était paralysé dans un fauteuil. La seule raison était que la maison possédait un téléphone susceptible de renseigner le maquis. Ils poursuivirent leur avancée en direction des fermes qui ne tardèrent pas à être à leur tour la proie des flammes.

Il s’est avéré que tous ces actes de barbarie étaient guidés par le célèbre Klaus Barbie, accompagné par un citoyen du village, Max Delatour, en tenue de waffen SS, qui avait quitté le pays pour se mettre au service de la kommandantur de Lyon. Après la guerre, il sera jugé, condamné à mort et fusillé à Lyon. Si précédemment, nous avons cité des noms de personnes qui ne sont jamais revenues, il y a lieu de signaler qu’avant la débâcle de juin 1940, Denis Bourgeat a trouvé la mort sur le front du nord, alors que Félix Joz, mourra sous un bombardement. A signaler aussi que quinze des mobilisés ont été éloignés de leurs foyers durant 5 années pour la plupart.

Après la guerre, la commune de Ravilloles a été décorée de la Croix de Guerre avec Palme par le Président Vincent Auriol le 5 novembre 1950 à Lons le Saunier.

 

 Un coin de Montagne, Un lieu d’histoire

1944, un refuge pour les résistants: les combattants volontaires des maquis de l'Ain et du Haut-Jura, venus de différentes régions de France et de nombreux pays d'Europe, occupèrent ces montagnes.

Début juillet 44, les troupes de l'Allemagne nazie (armée Vlassov) sèment la terreur sur les routes stratégiques entre l'ouest de l'Ain et la frontière Suisse (opération Treffenfeld). Ils espèrent "casser" les maquis mais ne poursuivront pas leur mission jusque dans cette montagne boisée et isolée.

Dès le début de l'offensive, les maquisards avaient compris que cette attaque serait encore plus massive que celle d'avril. Ils livrent alors de durs combats de harcèlement dans le secteur d'Oyonnax (Thoirette, Chancia, Dortan, Lavancia et Labalme sur Cerdon).

A partir du 12 juillet 44, les unités du groupement nord et des unités du groupement Maurac se retirent et s'établissent dans des chalets ou des granges  dispersées dans les combes entre le Crêt de Chalam et Lajoux (le PC du groupement nord est au Berbois ). Elles passent plus d'un mois dans le secteur, non loin du PC départemental de "Romans-Petit", chef des maquis de l'Ain et du Haut-Jura replié à Giron.

Aidés par la population, ils reconstituent leurs forces, réceptionnent les parachutages et lancent de nouveau des opérations de harcèlement.

Instruit de la violence des combats de février et avril 44, le colonel Romans-Petit, demande à Londres l'envoi d'un chirurgien: Geoffrey Parker (Parsifal) choisi pour ses qualités de combattant et de chirurgien sera parachuté le 6 juillet.

Les chirurgiens Parsifal et Guillet, les médecins Bastian et Noël ainsi que les infirmières Paulette Mercier et Germaine Bernardi, soignent et opèrent dans un hôpital de campagne.

Une ferme délabrée où la paille fait office de lits, avec des médicaments fournis par les pharmaciens des environs, ou parachutés. L'équipe sauve de nombreuses vies.

A la libération du territoire, la plupart des maquisards s'engagent dans l'armée de libération pour la durée de la guerre.

Ils pourront plus tard rejoindre leur famille et reconstruire leur vie d'homme libre.

Traits separation grisLe Crêt de Chalam et la Borne au Lion sont aujourd'hui l'un des lieux de mémoire emblématiques de la Résistance. Grâce au colonel Romans-Petit, beaucoup d'entre eux restèrent en contact, prenant coutume de se rassembler chaque année, un dimanche de juillet, sur le site de la Borne au Lion "leur" haut lieu de résistance.

En 1965, Robert Dubuisson (Legrand), alors président du "groupement des maquisards résistants", y édifia une petite stèle en leur mémoire. Ce fut ensuite la création du jardin de flore de montagne grâce au travail de Georges Lévrier (Jozio).

Le 5 novembre 1950 le Président Vincent Auriol en  déplacement officiel à Lons le Saunier

Après la descente du train présidentiel et après s’être incliné longuement devant la plaque commémorative des agents de la SNCF morts pour la France et après avoir salué les représentants du personnel, Monsieur le Président de la République quitte la gare. Les voitures du cortège officiel  traversent la ville et s’arrêtent au monument aux morts.

Le cortège officiel après avoir déposé une gerbe au monument aux morts fait un arrêt au pied de la statue de Rouget de Lisle avant de se rendre à la Préfecture du Jura puis à l’Hôtel de ville. Au sortir de la mairie le cortège officiel se dirige vers le monument élevé à la gloire de la Résistance jurassienne pour l’inaugurer.

Lors de cette inauguration et après les discours d’usage ont été

cités à l’ordre de l’armée Saint-Claude et Saint-Didier

cités à l’ordre de la division Beaufort  Grande Rivière  Larrivoire  Lons le Saunier  Molinges

cités à l’ordre du régiment Bletterans  Chancia  Chilly le Vignoble  Moirans    Prémanon  Les Rousses  Cosges  Coyrière Dole  Morez  Ravilloles  Tavaux  Dompierre sur Mont  Ivrey  Lamoura  Poligny  Rochefort sur Nenon  Thoirette  Villevieux 

ont reçu un Diplôme à la gloire de la Résistance en témoignage de l’attitude noble et courageuse de leur population en face des sévères  représailles ennemies et de la participation de leurs habitants à la libération de la Patrie Arbois  Arinthod Arlay  Augisey  Bréry  Chassal Chaux des Prés  Cesancey  Cezia  Conliège  Epercy (Jeurre) Les Arsures  Les Chalesmes  Montbarrey  Montmalin  Orgelet  Ruffey  Saint Amour  Sellières  Vaux les Saint Claude  Villard Saint Sauveur  Viry

ont reçu un Diplôme d’honneur en témoignage des sévères représailles ennemies subies lors des combats de la libération de la Patrie Amange  Chaussin  Chilly le Vignoble  Domblans  Foncine le Haut  Les Bouchoux  Le Deschaux  Les Piards  Longchaumois  Maisod  Malange  Maynal  Menotey  Molay  Nance  Port Lesney  Prénovel  Saint-Pierre  Saligney  Thervay   Thoiria  Vercia  Vielle Lloye 

Ce 5 novembre 1950 le directeur général de la sûreté nationale veillait en personne au service d’ordre qui avait mobilisé la totalité des effectifs de la police locale. Tout donc avait été prévu sauf le geste d’une gamine de 12 ans la petite Noëlle Desarbres qui rompant les barrages et bousculant le service d’ordre rangé autour de la gare, sauta brusquement au cou de Vincent Auriol en criant : bonjour cousin André !

Le Président de la République n’avait esquissé aucun geste de recul. Chacun put le voir se pencher et embrasser sur les deux joues la fillette en manteau clair qui l’avait appelé André. Pour Noëlle, et pour elle seule en France ce monsieur grave en habit noir et haut de forme que tout le monde salue en s’inclinant est et restera toujours ce brave cousin André qui un certain jour de 1943 la fit sauter sur ses genoux et lui permit de jouer avec sa longue barbe grise. Une barbe que l’évadé Vincent Auriol avait laissé pousser pour dissimuler aux policiers allemands lancés à ses trousses des traits trop connus. Car si l’aventure de cette petite fille et de ce futur président de la République est lumineuse comme une légende, elle n’en a pas moins eu pour cadre une des époques  les plus sombres de notre histoire.

Villevieux en 1943 présente aux occupants le visage calme et résigné de tous les villages de France et les 15 soldats allemands qui occupent un poste à 800 mètres de son clocher assistent  à la vie tranquille de ses 600 habitants. Mais la nuit venue, tous ces cultivateurs, ces artisans, ces ouvriers se transforment en francs-tireurs et partisans, guerriers sans armes d’une armée sans autres munitions que le courage et l’optimisme. Dans la maison de Marius Desarbres, un ancien de 14-18 il y a une chambre toujours prête à accueillir des amis de passage, des hommes et des femmes qui viennent d’un peu partout qu’on voit quelques fois arrivés mais qu’on ne voit jamais repartir. Marius Desarbres appartient au Service atterrissage parachutage (SAP) chargé du transport des personnalités dans les deux sens France-Angleterre et Angleterre-France. Le 17 octobre 1943 Marius est prévenu par un ami «préparez -vous pour ce soir, il y a 3 passagers, la BBC à l’émission de midi devra annoncer « le chien sanglant a hurlé nous serons 2 à entendre hurler le chien ».  Marius Desarbres ne pose pas de question, et ne s’inquiète jamais de l’identité de ces invités d’un jour.  A 10 heures du matin un gros camion servant habituellement au transport de bestiaux s’arrête devant sa maison. Il vient sur le pas de sa porte, Noëlle, sa fille une turbulente gamine de cinq ans, accompagnée de Miss sa petite chienne qui hurle toujours aux jambes des soldats allemands s’élance vers la voiture.

« Veux-tu revenir ici ! »mais la fillette  joue déjà avec les trois hommes descendus du camion : tous trois sont simplement vêtus, deux d’entre  eux portent la barbe. Ils parcourent rapidement les quelques mètres qui les séparent de leur porte d’entrée.  Madame Jeanne Desarbres, la mère de Noëlle, est montée ouvrir la porte de la chambre au premier étage ; puis à bicyclette, elle est partie pour le ravitaillement. Trois bouches de plus à nourrir à cette époque ce n’est pas une petite affaire. A midi les trois nouveaux venus se rapprochent du poste de radio, ici Londres !le message attendu résonne joyeusement  aux oreilles des trois hôtes. Le repas est gai ; le plus âgé des convives celui dont la barbe grise court autour d’un visage amaigri est le préféré de la petite Noëlle. Après le café elle monte sur ses genoux et joue avec les branches de ses lunettes. Sa mère la gronde gentiment « laisse le cousin André tranquille » car à Noëlle  ses parents ont expliqué par prudence, que tous les invités de passage étaient des cousins en visite. A 19 heures une deuxième fois, le message vient confirmer la bonne nouvelle : le départ est pour cette nuit. Le dîner est encore un peu plus joyeux que le déjeuner. Le « cousin André » raconte à Marius Desarbres  des anecdotes politiques. La soirée passe rapidement. On attend plus que le troisième message, celui qui décidera du départ définitif. Il est reçu à 21 heures. Le terrain d’atterrissage est à Orion, à quelques kilomètres de Villevieux. D’habitude les passagers parcourent ce chemin à pied. Mais « le cousin André » est très fatigué ; Marius Desarbres fait demander à Gentet le chauffeur des PTT de prêter sa camionnette. Les deux Hudson sont là. Les torches sont allumées. Dans le rectangle lumineux ainsi formé les deux Hudson atterrissent. Le cousin André s’approche de Marius Desarbres « nous vous remercions, mon nom est Vincent Auriol et vos deux autres invités sont Albert Gazier et Monsieur Juste Euvrard ; embrassez encore pour moi ma petite cousine Noëlle ». Le lendemain à midi Marius Desarbres apprenait par Radio Londres que ses trois invités de la veille étaient parvenus à bon port.

Ni Monsieur Vincent Auriol devenu Président de la République, ni Monsieur Albert  Gazier devenu ministre de l’information, ni Monsieur Juste Euvrard devenu député n’ont oublié les heures  passées chez Marius Desarbres. Le 16 mai 1948 à Cuiseaux (Saône et Loire) tous trois félicitaient officiellement les trois membres de cette belle famille et pendant toute la journée que dura leur visite la petite Noëlle n’a pas quitté la main de son cousin André.  Huit jours après le Président de la République faisait parvenir à Noëlle une photographie dédicacée : à ma petite cousine Noëlle, à ses parents en souvenir de leur accueil d’octobre 1943 et de ma visite à Cuiseaux le 16 mai 1948.

Le 21 octobre 1943 à Lyon c’est l’évasion spectaculaire de Raymond Aubrac par un groupe franc de Libération Sud dirigé par Lucie. Puis ce fut la vie de fugitifs, de planque en planque dans le Rhône, l’Ain, la Saône et Loire et pour finir dans le Jura à Bletterans, Villevieux puis Chilly le Vignoble à proximité du terrain clandestin « ORION » pour les deux premiers villages et à une dizaine de kilomètres pour Chilly le Vignoble.

Un premier départ raté le 14 novembre 1943 dans la région de Pont de Vaux :le message de la BBC est bien passé, mais une mince couche de brume a empêché l’avion de voir les signaux disposés au sol.

Après un passage à Cuiseaux chez Bernard Morey, c’est l’arrivée à Bletterans chez les Roblin le 29 novembre. John Brough, un aviateur anglais est dans une autre maison. C’est à Bletterans début décembre que Raymond Aubrac apprend l’arrestation de ses parents (Hélène et Albert Samuel seront déportés à Auschwitz ils ne rentreront pas).

Il n’y a pas eu d’opérations aériennes en décembre 1943 en raison du temps.

Changement de refuge….accueil chez les sœurs Bergerot au château de Villevieux le 8 décembre 1943. 6 janvier nouvelle promesse de départ, nouvel échec : l’avion, après avoir tourné au-dessus du terrain ne se posa pas.

Le 20 janvier 1944 nouveau déménagement à Chilly le Vignoble 4 km au sud de Lons le Saunier. C’est l’approche du terme pour la grossesse de Lucie qui provoque ce changement de lieu.

Raymond et l’aviateur sont logés chez les Buffard un couple d’instituteurs résistants (leur fille Marguerite Falvien Buffard est une héroïne de la Résistance défenestrée à Lyon le 13 juin 1944).

Lucie et Jean-Pierre (Boubou) sont chez les Caseau eux aussi instituteurs. Paul Caseau est le chef du groupe sédentaire de Chilly arrêté le 15 juillet 1944 il est torturé et fusillé à Molinges le 16 juillet 1944.

Madame Caseau conduisit Lucie chez le médecin chirurgien du maquis à Lons le Saunier l’accouchement devant avoir lieu moins d’un mois après.

Le 7 février 1944 Paul Rivière alias Charles Henri responsable du SAP pour une bonne partie de la France annonce un départ pour le lendemain. Indicatif « de Carnaval à Mardi gras » message d’accord «  mon père caresse un espoir » message à la BBC le 8 à 12h30 « nous partirons dans l’ivresse ». L’opération est baptisée bludgeon, l’avion un Hudson (13 mètres de long, 20 d’envergure, 5,5 tonnes à vide, charge maximale 8 tonnes).

Au cours de l’après-midi du 7 février Mme Caseau accompagne une nouvelle fois Lucie à Lons le Saunier chez le docteur Michel qui lui donne une solution de laudanum à administrer au moment du départ à l’aide d’une poire à lavement.

L’effet du traitement est de 48 heures et il empêchera que le  « travail » se déclenche pendant le voyage  (le docteur Jean Michel sera arrêté le 24 avril 1944 et lâchement assassiné par les nazis dans les bois de Perrigny à quelques hectomètres de Lons le Saunier).

A 19 heures le message repasse à la BBC. Paul Caseau a prévenu les hommes de son groupe, ils assureront la protection des fuyards jusqu’à Orion. Le marchand de fromages du village Arsène Chambard est au volant de son véhicule qu’il a ressorti de sa grange. Une moto ouvrira la route au cas où…. Il est 21h, tout le monde est prêt, le petit garçon est couvert de lainages et enveloppé dans un manteau de peaux de lapins tannées par des dames de Villevieux.

Monsieur Chambard a oublié de remettre de l’eau dans le radiateur, la voiture s’arrête et il faut terminer à pied, par des petits chemins de terre.

L’aviateur porte la valise de layette, Raymond porte Boubou sur ses épaules, Lucie se traîne comme elle peut très essoufflée, elle serait incapable de courir en cas d’alerte. Cette marche forcée peut déclencher l’accouchement, aussi s’administre-t-elle sans attendre le lavement au laudanum.

Il y a foule sur le terrain.

L’avion arrive peu après 23 heures.

Au moment du décollage, il s’embourbe, il faut faire appel aux paysans du secteur pour pousser, tirer, mettre des planches sous les roues. Il y a même une paire de bœufs pour tirer l’avion hors de l’ornière. Le pilote veut brûler son avion et finalement il tente un dernier essai, il a déjà largement dépassé les marges de manœuvre. L’avion décolle il est 2h10 du matin. Il arrive en Angleterre vers 7 heures le 9 février. Lucie accouche le 12 février 1944 à 3h30 du matin d’une petite fille, c’est le plus gros bébé de la maternité, elle s’appellera Catherine.

La vie résistante allait pouvoir reprendre, c’est déjà un autre chapitre.

 

Jean-Claude Herbillon président Anacr Jura tenait à préciser: 

" Dans ma jeunesse, j’ai été voisin avec Arsène Chambard je l’ai très souvent rencontré au bord de la Sorne, la petite rivière à truites qui traverse le village de Chilly le Vignoble. Cet homme discret, je ne l’ai jamais entendu parler du 8 février 1944. C’est bien après son décès que j’ai appris son implication dans la résistance. Il a largement mérité que  l’on parle de lui aujourd’hui."

 

La Résistance mit très tôt en place une Section des Atterrissages et Parachutages (S.A.P). La Royal Air Force britannique fournissait avions et pilotes, des équipes françaises de terrain prenaient en charge les passagers clandestins.

Dans la zone « libre » du Jura, le premier atterrissage eut lieu à l’automne 1942  sur le terrain d’aviation  de Courlaoux, aux portes de Lons-le-Saunier. Le second aura lieu sur le même site, le 26 janvier 1943. Mais  le terrain, repéré par les Allemands, sera rendu inutilisable (pieux plantés et pose de chevaux de frise). Les cinq autres atterrissages avant le débarquement s’effectueront dans le secteur de Bletterans : quatre sur le terrain « Orion » entre Nance et Cosges, l’autre sur le terrain de Ruffey.

La S.A.P et la Résistance locale de ce secteur étaient dirigées par le fromager de Villevieux, Fernand Marillier, « Paul ». Parmi les membres de son équipe on comptait dans le village les trois soeurs Bergerot qui hébergeront les candidats au départ vers Londres, mais aussi le médecin de Bletterans, le docteur Perrodin, les gendarmes de la brigade  et de nombreux cultivateurs des environs sans lesquels rien n’eût été possible.

 

Atterrissages à Orion :

Cette vaste étendue plane, entre Cosges et Nance, permettait l’atterrissage des Hudson, avions assez lourds.

Le 1er atterrissage y eut  lieu le 19 mai 1943. Parmi les partants se trouvait le chef départemental de l’A.S, traqué par la police allemande, Valentin Abeille.

Le second aura lieu le 14 septembre  suivant.

Le troisième, le 18 octobre 1943, verra atterrir deux Hudson. Parmi les partants on comptera Emmanuel d'Astier de la Vigerie et  le futur Président de la République, Vincent Auriol.

Enfin, le quatrième (et dernier) aura lieu le 8 février 1944. C’est le plus connu. L’arrivée d'un Hudson avait été annoncée par le message : "Nous partirons dans l'ivresse ». Parmi les quatre partants (ils auraient dû être plus nombreux, mais l’appareil, embourbé, ne put décoller), se trouvaient Lucie et Raymond Aubrac ainsi que leur jeune fils Jean-Pierre (Boubou).(Lucie Aubrac évoque l’épisode dans son livre dont le titre « Nous partirons dans l’ivresse » reprend le message indiquant cette opération mais vous pouvez aussi en retrouver l'histoire juste au dessus à la rubrique 8 février 1944.)

Ce n’est que grâce à la mobilisation des agriculteurs du voisinage et de leurs attelages que l’avion pourra enfin prendre son envol.

A la suite de cet incident, il n’y aura plus d’autre opération d'atterrissage dans le Jura.

La famille Thibert :

Parmi ces populations locales qui ont participé aux atterrissages et aux nombreux parachutages, on compte les propriétaires du moulin Thibert qui jouxte le terrain Orion à Cosges. Leur fils Charles, né au village en 1922, entre au groupe sédentaire local  dirigé par l’instituteur du village, Raoul Pellier, « Pichegru ». Il prend  comme lui le maquis après le débarquement. Il  participera à des parachutages, des atterrissages, à l’attaque de la garnison allemande de Lons-le- Saunier et aux combats de la libération de la région doloise sous les ordres du capitaine Simonin, « Besson ».

Texte d’André Robert, Professeur agrégé. Il a enseigné l'Histoire-Géographie dans le Jura jusqu'en 2006. Membre du CA des "Amis du Musée de la Résistance et de la Déportation" de Besançon, il est également membre (ami) du Bureau de l'Association Nationale des Anciens Combattant et amis de la Résistance (ANACR) du Jura. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages sur cette période notamment : Jura 1940-1944 Territoires de Résistance.

 

 

Sources :
Marcel Chamouton (Chavanne) : « Souvenirs de mon activité dans la Résistance
à Orgelet »
Sous-lieutenant Marcel Chevassus (Hervé) : « Historique du district Hervé,
d’avril 1944 à septembre 1944 »


Orgelet et son secteur furent particulièrement concernés par la Résistance et les exactions allemandes. De par sa situation géographique, c’est un des passages obligés entre Lons le Saunier où la présence allemande est particulièrement forte, et les régions de Saint Claude, Oyonnax, Nantua,…où la Résistance ne l’est pas moins. Aussi le secteur d’Orgelet était-il régulièrement traversé par des troupes allemandes. Par ailleurs, la faible occupation humaine des campagnes environnantes du plateau et de la « PetiteMontagne » et l’importance du couvert forestier, étaient des plus favorables à l’implantation de
maquis.


C’est dès la fin 1941 que les premiers jalons de la résistance sont mis en place. C’est à cette époque que Pierre Larceneux prend contact avec des Résistants potentiels d’Orgelet, dont la famille Chamouton. Il recrute pour le mouvement "Combat" des agents à même d’assurer la distribution de tracts, de journaux (Combat, Témoignage Chrétien), de rechercher des terrains de parachutages et de recruter. C’est ainsi que sera formée la première sixaine autour de Marcel Chamouton (Chavanne) et Pierre Verney. Ce dernier sera le 1er chef de secteur de la Résistance orgeletaine. Avec la mise en place du S.T.O. par Vichy, les réfractaires placés en exploitation forestière chez Hubert Girod apportent des renforts à la Résistance locale. Il faut les ravitailler. La responsabilité de cette tâche est confiée à Marcel
Chamouton.


Il faut attendre l’année 1942 pour que ces Résistants reçoivent d’un officier de "l'Armée de l'Armistice", le lieutenant Giroux, leurs premières instructions sur
le fonctionnement des armes, armes dont ils sont toujours démunis.


La brigade de gendarmerie d'Orgelet, sous les ordres des chefs Chamoy puis Boerlen, se montre particulièrement favorable à la Résistance, et, à une
exception près, tous les gendarmes la rejoindront. Certains paieront d’ailleurs de leur vie cet engagement : c’est le cas de Jean Desvignes (oncle de Maurice
Choquet), mort en déportation à Gardelegen et d’André Decercle, fusillé le 11 juillet 1944 à Orgelet.


La Résistance s’organise et les contacts semultiplient avec la direction départementale de « Combat » à Lons le Saunier, mais aussi avec les responsables
des secteurs voisins, notamment « le Gut » Grancher à Pont de Poitte, Henri Clerc à Saint Amour, Lacroix à Moirans,….

Fin 1942, les frères Larceneux quittent « Combat » et adhérent au réseau britannique du S.O.E (réseau César-Buckmaster) dont Jean devient le responsable
départemental. Plusieurs chefs de secteurs, dont ceux d’Orgelet, de Pont de Poitte et de Saint Amour les suivront dans cette dissidence.


Cette nouvelle obédience des Résistants du secteur d’Orgelet lui permettra d’obtenir un premier parachutage sur le territoire de la Tour du Meix, plateau
de Bellecin le 19 mai 1943. Ce sont six containers contenant des armes et des munitions (4 fusils- mitrailleurs, mitraillettes, révolvers, explosifs et grenades), mais aussi du chocolat, du café et du tabac. Le tout est « planqué », puis sera ventilé entre différents groupes locaux. Les frères Vuitton de Rothonay, transporteurs « attitrés » des Résistants du secteur, dont ils font partie, utiliseront leur camion pour transporter jusqu’à Lyon une partie du précieux chargement. 


Les problèmes de ravitaillement ne sont toujours pas résolus, comme en témoigne Marcel Chamouton :
« Fin 1943, les effectifs augmentent, nous n'arrivons plus à placer tout ce monde en exploitation forestière ou en campagne, chez de braves cultivateurs - où nous n'avons pas de problèmes de ravitaillement - si ce n'est pour la nourriture, avec cartes d'alimentation et tickets. Avec l'accord de Lons, nous décidons de monter une opération contre la mairie d'Orgelet et de rafler les cartes d'alimentation sous le nez du général Karcher* ».(*maire pétainiste d’Orgelet)


C’est en cette fin d’année 1943 que le secteur d’Orgelet retourne à son ancienne mouvance, « Combat », et intègre l’Armée Secrète. L’intervention du commandant Le Henry (Chauvel), chef des Corps Francs de Libération du Jura, semble déterminante dans ce retournement. Ce dernier prend en charge le district, Pierre Verney est confirmé dans ses fonctions de chef de secteur, et Marcel Chamouton (il n’a alors que 19 ans) est nommé chef de groupe (sergent) des Corps Francs du Jura et crée un maquis.


Le printemps 1944 est marqué par une intense répression allemande secondée par la Milice. Deux tragédies viennent endeuiller la région d’Orgelet.


C’est d’abord, le 7 mars 1944, la tragédie d’Alièze. Le groupe Francis, chargé du ravitaillement dumaquis, abrité dans une ferme des Rippes d’Alièze, est décapité. Ce drame est ainsi décrit par un rapport officiel signé « F.F.I. Topaze » en date du 9 mars 1944:

« Le mardi 7mars, vers 20 heures, le chef de groupe et 4 hommes en voiture, sont fortuitement attaqués par la Milice et la Gestapo. Le chef abat le premier assaillant et se sauve sous le feu des autres. Les 4 hommes sont pris, après combat…
Vers 23 heures, une troupe ennemie attaque le dépôt principal du groupe défendu par 6 hommes avec une énergie splendide. Le 8mars, vers 10 heures, à bout de munitions et sous une maison en flammes, ces héroïques défenseurs se rendent et sont fusillés sur place.
Les 4 autres, arrêtés la veille, sont amenés par l’ennemi au dépôt, fusillés également. Puis les dix corps sont incinérés avec de l’essence…»


L’une de ces dépouilles sera, avec la complicité de l’abbé Louis Besançon, vicaire d’Orgelet, déposée dans l’église de cette localité par les Résistants du secteur. Cet ecclésiastique sera plus tard déporté à Neuengamme.


C’est ensuite, quelques jours plus tard, le 13 mars, le massacre du Pont de la Pyle. Dans une ferme désaffectée s’était installé un groupe de maquisards rescapés de l’attaque du camp de Montrond, sous l’autorité de Paul Sorgues. Sur dénonciation d’unmilicien, les Allemands attaquent et exécuteront dix des douze jeunes maquisards du groupe.


Début avril, lors d’une descente de la Gestapo et de la Milice sur Orgelet, quatre Résistants sont arrêtés puis déportés. Parmi eux figurent le chef de secteur, Pierre Vernay, et le gendarme résistant Jean Desvignes.


Au printemps 1944 le district est réorganisé. Le chef de bataillon Le Henry, appelé à l’Etatmajor départemental, est remplacé par le lieutenantMarcel Chevassus-Agnès (Hervé) au commandement de l’ensemble des cantons de St Julien, Arinthod et Orgelet. L’ensemble de ces trois cantons prit l’appellation de district F.F.I. Hervé.

Les Groupes eurent à plusieurs reprises lamission d’assurer la protection des équipes de sabotage travaillant sur la voie ferrée de Bourg à Lons-le-Saunier, dans la région de Saint-Amour. La ligne électrique alimentant les Usines de Blanzy et du Creusot sera également sabotée.


Après le débarquement et lamise en place du plan vert, semultiplient les sabotages et les accrochages visant à libérer le département et à entraver le repli de l’armée allemande.


Les recrues affluent, mais pas les armes : ainsi, sur les cent hommes du maquis qui se crée près d’Arinthod, dans les bois de Cornod, seul le groupe Francis, soit une douzaine d’hommes, était armé. Le district n’est pas menacé, aussi les groupes francs du district peuvent-ils s’engager dans un bataillon de choc qui ira combattre une semaine dans l’Ain. Une des missions impartie au district Hervé est la surveillance du Centre d’écoute allemand de Publy et de saboter la ligne téléphonique le reliant à l’Etat Major allemand de Lons-le-Saunier.


Avec l’été la répression s’intensifie.
Le 11 juillet, les Allemands lancent une grande offensive contre les Maquis du Jura et de l'Ain. La colonne allemande (en fait essentiellement composée de « cosaques ») est accrochée aux abords de Dompierre surMont. Les représailles allemandes seront terribles contre ce village : 23 hommes seront fusillés et plusieurs maisons incendiées.
La colonne allemande rejoint Orgelet où elle poursuit ses sévices. Outre les pillages, l’incendie de l’hôtel du nouveau chef de secteur (Albert Collomb), plus de trente hommes sont arrêtés et seront déportés. Parmi eux figure le très jeune Maurice Choquet. Le gendarme résistant Decercle est tué. Les Allemands poursuivront leurs exactions et des rafles dans les villages environnants. Une de leurs colonnes est accrochée le jour même sur le territoire du district, à Brillat, par le groupe de Guth Grancher. 


La colonne allemande se dirigeant vers Arinthod est accrochée par une embuscade tendue par un détachement du groupe Pigeon de Beaufort près d’Ugna. Les Allemands, en représailles, brûleront ce village. Après ces accrochages, et tenant compte du rapport de forces très favorable à l’ennemi, ordre est donné aux maquis de « faire le mort ». La colonne allemande quittera définitivement le district une semaine plus tard.
Désormais ce sont les Résistants qui ont l’initiative dans le district.


Le 17 août entre Nogna et la bifurcation, ils tendent une embuscade couronnée de succès aux Allemands qui réparent la ligne téléphonique entre le camp de Publy et Lons le Saunier.


Le district a également en charge la protection et le ravitaillement du Tribunal de la Résistance installé à la Chartreuse de Vaucluse.
Désormais, hormis la neutralisation définitive du camp de Publy et la surveillance des routes, les forces du district sontmobilisées à l’extérieur. Ce sera
d’abord sa participation à l’attaque de Lons le Saunier que les Allemands quitteront le lendemain.


Avec septembre arrivent dans la région Alliés et F.F.L. Un bataillon de Tirailleurs Tunisiens passe à Clairvaux, bientôt suivi d’un détachement américain. Les prisonniers allemands sont de plus en plus nombreux et il faut dans le district organiser un camp de prisonniers à Fétigny.
Il reste à achever la libération du Nord-Jura. A cet effet le district doit fournir 4 sections. La compagnie sera sous les ordres du lieutenant Hervé.
Après ces derniers combats victorieux dans la région doloise, c’est le défilé grandiose des Résistants à Lons le Saunier qui, pour beaucoup,met fin en apothéose à la lutte pour la libération.


Mais la guerre n’est pas terminée et, après la dissolution des maquis, ce sont plus de cent volontaires du district qui s’engageront pour la durée de la guerre contre l’Allemagne au 1erBataillon du Jura dont ils constitueront la 6ème Compagnie.
Ainsi prend fin la lutte longtemps clandestine engagée dans la région d’Orgelet par une poignée de patriotes en 1941. Les morts aux combats et les autres victimes ne sont pas oubliés. Les Résistants du district se retrouveront en l’église de Dompierre surMont, et devant les tombes des victimes de la répression aveugle du 11 juillet 1944 puis leur rendront les honneursmilitaires. Dompierre sur Mont, Ugna, Orgelet, Pont de la Pyle, Alièze,…autant de lieux de mémoire des atrocités d’une répression sanglante.

Extraits du récit (archives de Victor GROS)
écrit par Desmoulins (lieutenant DESAUTEL), le chef de la Compagnie du groupe Pigeon qui a attaqué les Allemands.


« Samedi 15 juillet. Dans la matinée, nous recevons la visite du Capitaine Eugène qui me remet l'ordre suivant


« Eugène à Desmoulins


Mission : organiser une embuscade sur la route Orgelet-Thoirette. Emplacement : région de Chatonnay. Composition du détachement : 30 hommes de la compagnie Pigeon, y compris le Bazooka, plus le groupe de destruction de Lons. Prise en place : cantonnement de Chatonnay à partir de 20 heures. Embuscade à partir du point du jour demain »


« Nos allées et venues ont alerté les habitants; sans nous être hostiles, ils sont bouleversés, surtout quand nous les mettons au courant de ce qui peut arriver le lendemain matin. On sait ici ce qui s'est passé à Dompierre, Moirans, Orgelet. Ils commencent à déménager et emmènent avec eux leurs troupeaux dans la montagne. Comme ils ont raison. Seul, un vieux fermier solitaire refuse de quitter sa maison.


Les gars s'allongent dans l'herbe et s'endorment. La précarité de notre position m'effraye.....


A 5 heures, tout le monde est en place et l'attente commence. Le feu ne sera ouvert que sur mon ordre : signal, un coup de révolver. Des bruits annonciateurs d'une troupe en marche nous parviennent ; nous entendons des sabots de chevaux sonner sur l'asphalte.

Est-ce la cavalerie ? Effectivement, les premiers cavaliers passent devant nous à 6 h 15. Espacés de 10 m environ, ils avancent sur deux rangs de chaque côté de la route : ils discutent, chantent... Le défilé dure une demi-heure; j'en compte 400..... Je braque les jumelles et vois arriver deux voitures légères, des "tractions » bien sûr, suivies elles-mêmes, mais de très loin, d'une file de camions. Je ne quitte pas les tractions des jumelles et distingue, bientôt les uniformes des occupants. Elles roulent assez vite et se suivent à 30 m. Je lève mon révolver et appuie sur la détente en gueulant : "Feu sur les voitures" lorsqu'elles sont à bonne portée. Le coup de révolver foire mais les gars m'ont entendu et la danse commence. Aux premières rafales, la première voiture ralentit, s'arrête, puis repart pour s'arrêter 100 m plus loin. Le F.M. de gauche s'en occupe sérieusement ainsi qu'une quinzaine de fusils; elle est bientôt comme une écumoire et une colonne de fumée s'en
échappe; les occupants n'ont pas réagi et ont certainement leur compte. La deuxième voiture est bloquée tout de suite : deux occupants en sortent, l'un de notre côté s'affale sur le bord de la route, l'autre s'aplatit derrière la voiture. Les deux autres F.M. et les fusils crachent la mitraille et en quelques secondes, la traction prend feu.

Je ferais bien tirer un coup de bazooka, mais c'est inutile. Au bout de deux minutes, je fais cesser le feu. Il s'agit maintenant de se replier en vitesse, ...

Nous atteignons les bois et respirons enfin. Une heure plus tard, nous sommes à Monnetay, exténués mais sains et saufs. Nous assisterons de loin, en fin de matinée, impuissants, à l'incendie d'Ugna. Toutes les maisons, vides heureusement, seront brûlées. Le coeur serré, pensant au martyre d'Oradour, nous maudissons les vandales qui répètent, chaque jour, le massacre des innocents. Mais pour que leur rage s'exerce avec tant de hargne, il fallait que l'embuscade leur ait coûté cher. Nous apprendrons, quelques jours plus tard, par le Capitaine Eugène, grâce aux Services de Renseignements, que huit officiers, dont un colonel, ont terminé leur sale guerre sur cette route du Jura. 

Nous aurons même droit au Communiqué de la Radio de Londres.»

 

 Un des exemples les plus connus est celui de Marcelle Robbe, née Armand à Salins où elle occupe, avec son mari, la profession de professeur au Collège. Dès l’été 1940, elle manifeste publiquement son hostilité à Vichy. Avant même son mari, le futur chef des FFI du groupement FFI Jura-Nord de la SRD2, elle participe à la diffusion de la presse clandestine. Elle est membre des mouvements « Volontaires de la Liberté », « Défense de la France », avant d’adhérer à « Combat » puis aux MUR et à l’ORA. Elle participe très activement aux liaisons entre son mari et les groupes FFI. Elle est arrêtée à son domicile par les Allemands en tant qu’otage début juillet 1944, internée à la prison de la Butte à Besançon, puis au fort de Hatry à Belfort. Elle est libérée le 29 août suivant.

 Les institutrices sont à l’époque considérablement plus nombreuses que les professeurs. Comme leurs collègues masculins, elles ont suivi à l’Ecole Normale de Filles une formation des plus républicaines. Celle-ci les prédisposait à rejeter le régime de Vichy et les préparait, comme les garçons, à remplir la fonction de secrétaire de mairie.

 L’enseignement élémentaire rural comptait de nombreux « postes doubles » souvent occupés par des conjoints.

 Ces « cadres » d’un monde rural où ils étaient estimés, ces spécialistes des arcanes administratives furent recrutés en nombre par la Résistance. Il n’était pas rare dans le monde rural, que le maître d’école en soit désigné responsable local. L’épouse a bien sûr, participé activement aux activités de son mari, mais aussi à son destin tragique. Leur position leur a permis d’être reconnues.

 A Chilly-le-Vignoble, Annette Caseau, née en 1898, est institutrice en retraite, comme son mari Paul. Ce dernier est à la fois le responsable de l’AS* de Chilly-Trenal et membre de la Section

Atterrissage et parachutages (SAP)*. Annette est également membre de ce réseau pour lequel elle héberge des passagers clandestins utilisant les terrains d’atterrissage de la région de Bletterans. Après l’exécution de son mari, fusillé à Molinges en juillet 1944, elle poursuit le combat. Elle sera élevée au grade de Capitaine FFI et sera récompensée par l’insigne de la Légion d’Honneur.

 A Crançot, Jeanne Renaud née Gay et son mari Marcel sont instituteurs et membres de l’AS* de Crançot-Conliège que dirige Marcel. Elle est agent de liaisons et héberge des maquisards et un émetteur radio clandestin. Suite à la fuite de son mari recherché par les Allemands et la Milice, elle est arrêtée le 16 mai 1944 par la Milice et livrée à un interrogatoire serré. Elle ne révèlera rien et sera relâchée.

 Mais toutes les institutrices ne sont pas mariées avec des collègues !

 A Saint Amour l’institutrice Yvonne Clerc, née Perrin, est l’épouse du négociant en vin Henri Clerc chef local de la Résistance. Elle entre dans la Résistance avec ce dernier en 1942. En novembre 1943, elle quitte ses fonctions d’institutrice pour se mettre entièrement à la disposition de la Résistance, après une perquisition de son appartement par la police allemande, les recherches entreprises à l’encontre de son mari et la déportation de son beau-père. Elle héberge un poste de radio et des maquisards blessés. Elle réceptionne et distribue des tracts, des journaux clandestins, de fausses cartes d’identité et d’alimentation. Elle a également participé à des liaisons entre les réseaux.

 Et puis toutes les institutrices résistantes n’étaient pas mariées !

 A Larrivoire, la jeune Roselyne Blonde, née Guitton en 1923, participe à la Résistance et va jusqu’à se dénoncer à la police allemande pour éviter l’arrestation d’otages. Elle est arrêtée le 13 avril 1944 avant d’être déportée à Ravensbrück, puis à Flossenburg (rentrée).

Source: André Robert, Historien

Etudiante en lettres, Laurence mène une double vie. En 1943, contactée par le comité universitaire Lyon-Grenoble de la Résistance, elle a accepté d’être agent de liaison. Elle appartient au service Périclès qui sera ensuite rattaché au MUR (mouvements unis de la Résistance), puis au MLN (mouvement de libération nationale), avant le regroupement final des FFI. Ce service s’occupe des écoles de cadres du maquis : titre bien pompeux cependant appuyé sur deux maquis déjà bien organisés, l’un dans les Basses Alpes l’autre dans le Haut-Jura. Les élèves sont destinés à essaimer des écoles régionales dans toute la France. Le travail de Laurence consiste, tout en continuant ses études, à prendre le train une ou deux fois par mois en direction de Besançon avec des documents divers.

Le 15 mars 1944 : elle marche paisiblement dans Lyon ensoleillé. Elle se rend chez Lise, responsable du service social de Périclès, service aux fonctions multiples adaptées aux circonstances. Dans une enveloppe cachée dans sa culotte, des cartes d’alimentation destinées aux résistants. Rien d’autre. Arrivée au 24 de la rue Tronchet, elle monte deux étages, sonne à l’heure dite : 14h30. La porte s’ouvre. Au lieu du beau visage de Lise, la voilà nez à nez avec un petit homme, costaud et vilain, en tenue paramilitaire bleue. Sur le champ, un tremblement incontrôlable s’empare de ses jambes : elle a entendu parler de la milice, de ses méthodes, elle est tombée dans une souricière…elle apprendra vite que Lise a été arrêtée l’avant –veille à la gare de Lyon-Perrache, qu’elle se trouve à Montluc, que la gestapo est venue hier chercher son mari et son fils de seize ans.

Trois miliciens gardent l’appartement. L’homme qui lui a ouvert la porte opère sur elle sans la déshabiller une fouille superficielle, lui arrache son sac, la pousse dans un fauteuil de la salle à manger. Elle aperçoit les deux autres, débraillés, vautrés sur le lit de la chambre.

Laurence s’efforce de réfléchir vite, avec intensité. Dans son sac ?...sa carte d’identité, un livre de latin, des notes de cours, un peigne…..Ses contacts dans le Jura ?....avec des anonymes, grâce au principe de clandestinités ; elle ignore lie lieu exact du maquis…Les membres de l’équipe féminine de Lise dont elle fait partie ?...Elle ne les a jamais rencontrées….Lise elle-même, au courage déjà légendaire, ne connaît que son nom de guerre. Bref, simple rouage, petit agent de liaison, elle est dans le meilleur des cas : si on la torture, elle ne sait presque rien, ne pourra compromette ni ami, ni camarade, ni maquis.

Dans l’immédiat, il n’est donc question que de sang froid : tenter de mentir, de ruser, de jouer les ingénues…En réponse aux questions posées par les miliciens, elle se dit professeur de latin : elle est venue chez Mme L. pour donner une leçon de latin à son fils et à une petite fille de la maison ; elle ne connaît pas encore ses élèves ; elle veut seulement gagner un peur d’argent. Elle s’en tiendra à cette version durant son long tête-à-tête avec la milice. D’autant qu’elle réalise assez vite que les trois brutes s’avèrent incapables de mener un interrogatoire cohérent…A la différence, songe-t-elle, d’un certain commissaire de police français qui l’avait, deux ans auparavant, retenue plusieurs heures à la préfecture de Lyon à propos d’une lettre à son oncle, interceptée par la censure, où elle ironisait de façon anodine sur la « Révolution Nationale ».Laurence contemple l’appartement qu’elle a connu si accueillant, maintenant dévasté par les soudards : placards béants, vidés, linge, couvertures , livres, morceaux de sucre et gâteaux secs éparpillés sur le sol ; rideaux déchirés au poignard avec rage, seules sont épargnées quelques bouteilles de vin que les miliciens siffleront au goulot, mélangeant avec de l’alcool qu’ils avaient apporté.

Dix-sept heures environ : coup de sonnette. C’est une voisine de Lise : elle habite l’étage en dessous, elle vient demander une recette de cuisine. Ils la garderont, près de deux heures, la bombardant de questions stériles. Finalement, l’esprit brouillé par l’alcool, hésitant, craignant surtout des reproches des allemands, ils la laisseront partir ; Laurence saisit l’occasion, demande à écrire un mot à sa mère, qui, dit-elle, va l’attendre et s’inquiéter. Mot assez ridicule, dont elle pèse rapidement les termes, pour prouver son innocence : « Je ne rentrerai pas ce soir. On m’emmène à Montluc. Ne t’en fais pas. Je rentrerai demain ». Un risque pour sa mère ? Non, elle ignore tout de ses activités, n’a jamais entendu parler de Montluc ; lors de ses voyages, Laurence prétendait dormir chez une amie. La voisine promet de porter le mot à son adresse, connu du reste par les miliciens qui détiennent sa carte d’identité.

De plus en plus ivres au fur et à mesure de la soirée et de la nuit, les trois hommes manifesteront des comportements variables. Ils tentent d’abord de draguer Laurence, lourdement, veulent l’embrasser, la prennent sur leurs genoux. Elle laisse faire (elle ne craquera, pense-t-elle, qu’en cas de viol). Les brutes lui demandent de chanter avec eux une chanson de l’époque : « vielles photos, belles photos….de ma jeu-e-nesse ». Elle chante. Elle plaisante. A deux reprise cependant, elle demande d’aller aux toilettes, y découpe le plus vite possible en menus morceaux les cartes d’alimentation qu’engloutira la chasse d’eau…Ouf !ses jambes cessent enfin de trembler.

Le climat change. Les miliciens passent à la menace : « salope, la gestapo va venir te chercher, elle te schlaguera, t’emmènera à la baignoire….tu seras moins farouche ». Ils profèrent des obscénités, se déculottent pour exhiber leurs avantages. Elle ne bronche pas. Puis toujours vaseux, riant d’un rire abominable, ils se mettent à évoquer leurs récents exploits : ils arrivent de la montagne, ils ont brûlé des fermes, calciné au lance-flamme sur les poutres des toits les cadavres de ceux qu’ils ont tués etc…. « Tu verras, tu verras… »

Quatre heures du matin : la gestapo annonce son arrivée par téléphone. Aussitôt les miliciens vont se passer de l’eau sur la tête, remettent, non sans difficulté leurs uniformes, se coiffent, emballent dans des couvertures ce qui peut les intéresser, linge sucre etc….Ensuite, sanglés, au garde-à-vous ! Deux militaires allemands pénètrent dans l’appartement, poussent Laurence dans l’escalier, l’embarquent dans leur traction avant suivie de celle de la milice. La voilà maintenant dans la sinistre cour de l’école de santé militaire. Une dernière fois, les miliciens la narguent, la propulsent brutalement sous la fenêtre éclairée, tout en haut de la salle des baignoires. Sous sa jupe, le tremblement reprend.

Cette nuit-là, à Lyon, les rafles ont été importantes. On fait entrer Laurence dans une pièce où se trouvent une trentaine d’hommes, arrêtés comme elle. Les soldats allemands, très agités, vont et viennent en tous sens, finissent par pousser tout le groupe dans une vaste salle. Autour d’une longue table ovale, une dizaine de membres de la gestapo en uniforme. L’un d’eux, des listes sous les yeux, va hurler des noms français, massacrés par son accent ; un autre vérifier la concordance possible avec les cartes d’identité récupérées pendant la rafle, étalées devant lui ; un troisième, debout, passer et repasser, tenant en l’air des agrandissements de photos de résistants pour les comparer avec le visage des présents. Laurence reconnaît deux de ses anciens camarades de la faculté. La litanie des noms continue. Elle n’entend pas le sien, ce qi lui semble logique. Les choses ne progressent pas comme le souhaiteraient les allemands, visiblement énervés, fatigués et débordés…Vers six heures du matin, elle et deux inconnus sont jetés dehors. Ils se retrouvent dans la rue et, n’osant se parler, se séparent.

Laurence marche longtemps, traverse Lyon, vide à cause du couvre-feu, afin de rejoindre son domicile…Elle pense à Lise, aux tortures qu’elle est en train de subir…A l’inquiétude de sa mère, à qui elle va annoncer sa décision : partir immédiatement rejoindre le maquis du Jura…Et que vont penser les résistants de l’étrange libération de l’agent de liaison ? Certes, d’une certaine façon, elle a bien eu ces horribles miliciens, mais elle a surtout bénéficié d’un coup de bol incroyable…

Arrivée à son logement, elle trouve sa mère devant un feu allumé dans la cuisinière, occupée à déchirer méthodiquement les cours de grec ancien destinés à préparer l’examen que Laurence devait passer en juin. Et la pauvre mère avait bien reçu son message, elle s’était informée à son bureau sur Montluc….Elle avait pris les caractères grecs pour des informations codées ayant trait à la Résistance !

Laurence du service Périclès

Rafle des Juifs à Gevingey

L’armistice signé, après leur installation dans la zone interdite, une des premières mesures des Allemands fut de refouler les Juifs vers la zone non occupée. La communauté israélite était d’autant plus importante dans le nord de la Franche-Comté qu’elle s’était très fortement étoffée des Juifs d’Alsace-Lorraine fuyant devant l’occupant. Nous disposons du témoignage d’une jeune juive, qui, avec ses parents et d’autres Juifs du même village alsacien, se retrouvera dans le Jura. Le train les déposa en gare de Lons-le-Saunier où ils furent pris en charge par le Secours national qui les logea dans les établissements scolaires libérés par les vacances scolaires. La famille Bloch en compagnie de quatre autres familles, fut installée provisoirement à l’École normale d’instituteurs.

« À la rentrée scolaire, nous sommes répartis dans les villages environnants, logés tant bien que mal par la commune et le Secours national.

Chaque viticulteur et agriculteur, suivant leur disponibilité, avaient reçu un contingent de réfugiés. Les hommes allaient travailler la terre, ou étaient réquisitionnés, la nuit, sur ordre des Allemands, pour surveiller la voie ferrée de la ligne de Lyon. Je n’ai pas souvenance de mauvais rapports avec les habitants de Gevingey. Ceux-ci avaient l’attitude que chacun aurait eue au début de notre “invasion”. Nos relations se sont normalisées au fil des jours et des semaines.»

Témoignage d’Éliane Bloch, fille d’Émile Bloch, extrait de Nous sommes 900 français d’Ève Line Blum-Cherchevsky.

Il en fut de même dans les nombreux villages des environs de Lons-le-Saunier, dont Chilly-le-Vignoble, qui abrita plus d’une dizaine de Juifs.

La communauté israélite de Gevingey subit un sort tragique. Le 26 avril 1944, les Allemands avaient attaqué le château de Saint-Georges et abattu le chef départemental des FFI. Le lendemain, la présence allemande dans le secteur est forte. Pour des causes indéterminées, une imprudence selon Éliane Bloch, une rafle est menée. Éliane et sa mère furent parmi les rares à échapper à l’arrestation.

Dix-sept juifs seront déportés, dont seize à Auschwitz.

Parmi eux, les jeunes Jean Kahn, né à Gevingey, Benoît Pollack, né à Saverne,10 ans, et sa soeur, Simone Pollack, 15 ans. Seuls deux revinrent.

Source: André Robert, Historien

333536995 1239020916726295 5808173088610138506 nCe sont toutes les unités du maquis qui sont traquées. Marius Lamouret et son groupe se trouvant plus au Nord, au-dessus de Saint Claude, sur la commune de Villard Saint Sauveur, sont également dans une situation très difficile :

« Le 17 avril 1944, nous trouvons une grotte où nous envisageons de passer quelques jours. Le soir je pars … au ravitaillement… A 10 heures du soir, de retour à la grotte, nous distribuons 2 pommes de terre chacun car nous sommes 27 et gardons le reste pour le lendemain… Nous mettons une sentinelle …en avant de la grotte.

Le 18 avril à 7 heures nous sommes réveillés par des coups de feu… A 7 h 30 une patrouille boche passe en bas de la grotte à 10 mètres de nous… Une demi-heure après des cris venant du côté de la sentinelle, nous pensons qu'elle a été prise. En effet, ils la traînent sur une couverture jusqu'au pied de la grotte, après des tortures horribles elle avoue que ses camarades sont là haut.

Les boches montent vers la grotte, les mitraillettes commencent à tirer, les grenades, puis une gammon* lancée par Allain.

L'ordre est donné de se disperser… Une heure après les boches sont derrière, nous nous sauvons, ils nous tirent dessus, Forest me tombe dessus (il a pris une balle en plein cœur).

Nous traversons la route de Chevry et, à Etables, allons dans une cabane de jardinier. Après un bon lavage et bien brossés, nous nous mettons en civil et nous partons par 3 pour Saint Claude, avec des râteaux sur l'épaule et des bêches… En route nous apprenons qu'à l'école de la Gaité reposent 6 de nos camarades.

Et c’est la dispersion.

21 avril … Le lieutenant nous donne 15 jours de permission avec 500 francs. 5 jours passent sans liaison… ».

.

Quel bilan faire de ces combats qui ont opposé le maquis aux forces allemandes à La Versanne et au Champravalet, et dont les Résistants ont fait, à juste titre, des hauts faits d’armes ? Laissons là encore la parole aux acteurs :

« Nous avons tout de même obtenu quelque chose. Nous sommes arrivés à leur faire peur. La fameuse armée allemande tremble devant quelques dizaines de maquillards déguenillés et mal armés. Quels conquérants ces héros qui sont forts lorsqu’il s’agit de brûler des villages, de tuer des civils, mais se terrent dès qu’il y a une petite résistance… !

Ni victoire, ni défaite mais on peut inscrire le Vendredi Saint 1944 à La Versanne et ses suites parmi les temps forts de la Résistance. Le Maquis, durement étrillé, n’est pas mort. »

Collectif : « Vendredi Saint à La Versanne ».

 

333567827 945802973226453 4977853165451732928 nMarius Lamouret, réfractaire au S.T.O originaire de Cuttura, un des « maquillards » du groupe De Conversy, unité du camp Daty (3), a fait le récit au jour le jour de ce qu’il a vécu avec ses camarades :

« Le 7 avril, au matin, le groupe (qui cantonne au château de Vaux lès St-Claude)… envoie une sentinelle prévenir le PC que des camions venant d'Oyonnax se dirigent vers Saint Claude. Alors, le réveil est sonné par « Chevassus »(4), tout le monde se presse, le Commandant « Vallin » n'est pas là. A 7 heures du matin nous entendons des coups de feu venant du camp « Martin ». A 8 heures un agent de liaison venant de chez « Martin » nous signale que le camp demande du renfort… ».

Les Allemands venaient d’être accrochés par les hommes du camp Martin à la Versanne.

La colonne allemande composée d’une voiture, d’un petit canon antichar tracté et de cinq camions transportant chacun une vingtaine d’hommes, s’arrête devant le bois de la Versanne où cantonnaient les hommes du camp Martin ; ils ouvrent le feu au Fusil Mitrailleur. Les Allemands très supérieurs en nombre et en armes prennent position et ripostent. Les combats menés par des maquisards disséminés par petits groupes vont durer toute la journée. Ils reçoivent l’appui du « camp Pauly » (5).

Le camp Martin qui compte près de 80 hommes répartis en cinq Groupes Mobiles reçoivent l’ordre de repli en fin d’après midi. Il se fait dans des conditions des plus difficiles :

« par bonds et petits paquets plus ou moins importants … chacun quittant sa position va se voir contraint de franchir la crête joignant les 2 pitons principaux du bois. Or cette crête relativement dénudée est battue par les rafales les plus hautes de la mitrailleuse allemande… ».

« Chronique de 50 jours » (du camp Martin)

A la tombée de la nuit les Allemands, qui n’ont pas cherché à pénétrer dans le bois à la poursuite des maquisards, chargent leurs blessés et leurs morts et reprennent la direction de Molinges.

C’est alors qu’ils sont très sérieusement accrochés par trois Groupes Mobiles du camp Daty au lieu-dit le Champravalet.

« Le soir à la tombée de la nuit … nous descendons jusqu'au Champravalet… tous les groupes se positionnent sur la route, 3 groupes en intervalles de 20 mètres… « Daty » fait sauter un canon avec une gammon*. Il y a eu beaucoup de pertes pour les Allemands, mais nous rien. ».

Vendredi Saint à la Versanne

Pour les hommes du camp Martin traqués par les troupes allemandes qui quadrillent le secteur, c’est le repli sous la pluie, la recherche de nourriture et de « planques », le vain essai pour certains de sortir du bois.

Le maquillard « Dutreil » écrira :

« O nuits, ces terribles nuits en pleine nature, à 1000 mètres d’altitude dans le froid et sous la pluie, isolés du reste du monde. Pas question de nous approcher des maisons. Quel cauchemar, la pluie, toujours la pluie, pas d’abris, en déplacements continuels… »

Une des situations les plus dramatiques, et qui force l’admiration, est celle vécue durant « douze jours d’opération survie dans des conditions inhumaines, sans presque rien manger » par « Vernet » et « Lachevre ». Ce dernier blessé aux jambes lors du combat de La Versanne et ne pouvant marcher, est porté, tiré, poussé, nourri par son camarade dans des bois dont ils ne pourront sortir avant le 19 avril, date du départ des Allemands car « sur la route de Viry des convois allemands passent sans discontinuer, ils tirent tout le long du chemin, sur le bord de la route, tellement ils ont peur des terroristes… ».

« Vendredi Saint à La Versanne »

Le camp Martin va difficilement se regrouper à partir du 19 avril, d’abord sur des hauteurs dans les environs de La Pesse, puis plus haut encore sur le Reculet avant de s’installer au sud du lac de Viry.

Source: André Robert, Historien

Le 13 février 1943 Jean Moulin repart à Londres en compagnie du général Delestraint à partir du terrain clandestin situé au lieu dit « granges de paille » sur la commune de Ruffey-sur-Seille dans le jura; ils auront séjourné quelques jours au château de Villevieux chez les sœurs Bergerot à côté de Lons-le-Saunier.

Il retourne rendre compte de sa mission.

Le général Delestraint est rappelons le, le chef de l’Armée Secrète (AS)

326771290 570570631314281 8749504395711712348 n

 

327085535 992948275016421 546259989976325495 n

La Fraternelle entre 1940- 1944 : au cœur de la Résistance dans le Haut-Jura

Source: Archives de la Maison du Peuple - Association la Fraternelle

Parmi les personnes ayant témoigné et écrit sur les évènements qui ont eu lieu dans le Haut-Jura pendant la 2e guerre mondiale, certaines n'étaient pas spécialement proches de "La Fraternelle" et de son courant d'idées. Toutes, pourtant et sans exception, sont d'accord sur le fait que la coopérative  a joué un rôle déterminant d'organisation et de soutien à la Résistance et au maquis. Son Directeur, Edmond Ponard, en a été le personnage central.

Malgré de nombreuses sources et plusieurs ouvrages documentés, ces évènements, la place de La Fraternelle et des différents acteurs dont celle bien sûr d'Edmond Ponard, ont été insuffisamment portés en avant et expliqués. On peut d'autant plus le regretter que différents documents d'archives sont à notre disposition pour permettre cet éclairage.

Dans le cadre de ses activités patrimoniales de recherche historique et par respect et mémoire pour ceux qui ont vécu ces évènements, l'association "La fraternelle" a décidé de porter les informations qui suivent à la connaissance d'un public plus large.

Bien sûr, les épreuves vécues pendant cette période par la coopérative, ses salariés et ses administrateurs, sont indissociables de l'ensemble des évènements tragiques qui ont frappé Saint-Claude et l'ensemble du Haut-Jura entre avril et juillet 1944.

 

  1. Haut-Jura : Jura terre de résistance

Le Jura est traversé par les lignes de démarcation

Après l'armistice du 22 juin 1940, une "ligne de démarcation" partage la France entre une "zone occupée" par l'armée allemande et une zone non occupée dite "zone libre". Le Jura se retrouve partagé en trois secteurs :

  • l'extrême nord-ouest se situe en zone occupée.
  • le nord-est et les territoires frontaliers avec la Suisse sont en zone interdite. Ce sont les régions que les Allemands prévoient d'annexer au Reich et dont l'accès est désormais interdit aux Français.
  • Le sud est en zone non occupée, sous l'autorité du régime de Vichy.

Jusqu'en novembre 1942, Saint-Claude est en zone sud, dite libre. La ligne de démarcation traverse le Haut-Jura à proximité immédiate de Saint-Laurent, de Morez et des Rousses.

La Résistance est très active dans le Haut-Jura pendant tout le conflit et ce territoire en paiera le prix fort.

Plusieurs facteurs expliquent une telle mobilisation :

La géographie physique du Jura, ses montagnes, ses forêts, ses chemins escarpés, son habitat dispersé de fermes et de chalets favorisent évidemment la clandestinité des maquisards.

La situation frontalière est déterminante. La Suisse s'offre comme une position de repli lors des opérations et des périodes délicates.

La raison la plus importante de cette mobilisation est toutefois sans conteste d'ordre sociologique et tient à la mentalité et la disponibilité des hauts-jurassiens. Qu'il soit ouvrier (à Saint-Claude, Morez et Oyonnax) ou rural, ce territoire entretient la solidarité et l'initiative commune, ce qu'illustre particulièrement le mouvement coopératif autour de La Fraternelle et des différentes coopératives de production. Dans le Haut-Jura, l'idée de résistance à toute forme de fascisme et de domination extérieure s'élabore et se construit autour du socialisme, du coopératisme, du mutualisme, mais aussi de l'internationalisme et du pacifisme.

Pour aller plus loin, et cela est déterminant, le Haut-Jura dispose d'une économie grandement organisée autour de ces coopératives : La Fraternelle et son réseau de succursales bien sûr, mais aussi l'ensemble des coopératives de production.

 

Les montagnes du Jura offrent des possibilités de passage d'informations vers les alliés, via la Suisse. Michel Hollard, "l'homme qui a sauvé Londres" en transmettant aux alliés des informations sur les rampes de lancement V1 et V2, , passe régulièrement par St- Claude, puis par Lajoux et Mijoux.

 

  1. La Fraternelle au début du conflit :

Une coopérative influente

A la veille de la seconde guerre mondiale, La Fraternelle est une coopérative prospère qui connait un essor important. Pendant la première guerre mondiale, les pouvoirs publics l'avaient chargée du ravitaillement des départements du Jura et de l'Ain, ce qui lui a permis de développer son activité à Saint-Claude mais aussi aux alentours. En 1939, La Fraternelle possède ainsi 23 succursales, desservant 72 communes, qui sont régulièrement réapprovisionnées par camions depuis l'entrepôt central de la Maison du Peuple. Ces magasins constituent la principale source d'approvisionnement d'une large partie de population. La coopérative possède également sa propre imprimerie, une salle de théâtre/cinéma et des cafés. Elle gère des oeuvres sociales et des activités d'émancipation (culture, sport, bibliothèque, ...). Elle soutient ou pilote tout un réseau de coopératives et de mutuelles. Elle est devenue en quelques décennies le coeur de la vie économique, sociale et culturelle de la ville et du Haut-Jura. A ce titre, elle est influente ; son président, Jules Mermet, n'est autre que le maire de Saint-Claude.

Du militantisme socialiste à la Résistance

Par ses idéaux, La Fraternelle prend tout naturellement une place centrale dans la Résistance locale dès le début du conflit. C'est autour de la coopérative que la Résistance san-claudienne, qui a débuté, comme ailleurs, sous la forme d'initiatives individuelles, va peu à peu s'organiser.

De fait, et dès février 1934, le Jura Socialiste, organe de presse de la Fédération socialiste du Jura basé et imprimé à La Fraternelle, publie régulièrement des tracts et des articles alertant sur la montée des fascismes, des nationalismes en Europe et sur la menace de guerre.

Et puis le Haut-Jura est aussi une terre d'accueil et d'ouverture. L'immigration italienne a été très forte entre les 2 guerres mondiales. En Août 1937, la municipalité socialiste accueille 28 familles (161 personnes) réfugiées de la guerre d'Espagne.

Dès 1940, le refus de collaborer avec les Allemands est fort dans le Haut-Jura. Il ne fait que s'amplifier avec l'invasion de la zone libre le 11 novembre 1942 puis avec l'instauration du Service du Travail obligatoire (STO) au printemps 1943. Malgré la répression subie par la population les hauts-jurassiens approuvent et soutiennent massivement la lutte contre l'occupant.

 

 

GROUPE  GUTT

Mémoire de Raymond Bailly, alias "Bacchus"

Période allant du 9 juin 1944 au 10 juillet 1944

Avant cette période, j’ai participé en compagnie de Raymond Daloz (alias « Suzie ») à de nombreuses expéditions de nuit sur la route de Lons dans la Doye.

Notre boulot consistait à écrire des slogans sur le bitume et à dessiner des croix de Lorraine à la peinture.

Nous avons eu de nombreuses alertes mais tout s’est bien terminé. Nous avons également collé des dizaines d’affiches et arraché celles de Pétain.

                                                                          __________

Première étape

               Le mardi 13 juin 1944, à la demande de Gutt, nous quittons Pont-de-Poitte vers 17 heures. Nous sommes une vingtaine environ, nous avons réquisitionné un camion des minoteries Sauvin, nous avons également une voiture.

               Nous partons à Mérona  par La Tour du Meix et Plaisia. Nous arrivons vers 18 heures. Comme armement, nous avons un FM, quatre mitraillettes, deux fusils allemands, deux fusils de chasse et quelques revolvers. Monsieur le Maire ne voit pas sans quelques craintes ces maquisards venir s’installer dans la commune et surtout dans les dépendances de son château. Le Maire est Monsieur de Mérona. Quelques jours plus tard, devant la correction et la discipline des hommes, il se mettra, ainsi que les habitants de Mérona, à l’entière disposition de leurs chefs Auguste Granger alias « Gutt «,  Fernand Mamy alias «  Grand-Père »  et François Clerc alias « Do ».

               Les jours suivants, quelques gars de Pont-de-Poitte viennent nous  rejoindre et sont rapidement initiés au maniement du FM et des diverses armes que nous possédons.

               Des mesures très sévères de prudence sont données pour leur utilisation.Le groupe n’aura d’ailleurs jamais le moindre accident à déplorer. Les règles d’hygiène sont observées et le cantonnement est dans un état parfait de propreté.

               La nourriture est bonne et suffisante. Aucune réquisition abusive n’est faite et les cultivateurs nous en sont reconnaissants.

               Durant notre séjour, nous effectuons deux sorties pour le ravitaillement.

Deuxième étape

Le 22 juin, nous quittons Mérona pour Nantey ( par Plaisia, Orgelet, Chavéria, Nancuise, Marigna, Andelot ), nous couchons dans une grange à Montrevel dans la nuit du 22 au 23 juin.

               Nous sommes rejoints à Orgelet par un groupe qui cantonnait dans les bois de Dampierre. Ce groupe comprend Marcel Malin alias « Moustique »  et Robert Troly alias «  Bébert » , ils ont avec eux vingt cinq gars de Conliège, Perrigny et Lons. Nous sommes maintenant plus de soixante-dix, correctement armés et épaulés par les groupes Henri et Clément.

                Nous avons un parachutage dans les environs de Saint-Julien et une réquisition de camions dans le secteur de Cuiseaux.

               Presque toutes les nuits, en collaboration avec les groupes Henri et Clément puis Frédo, nous allons sur la voie ferrée Bourg-Lons dévisser les rails ou poser du plastic.

               Nous aurons deux accrochages avec le train blindé que nous ne parviendrons pas à intercepter.

               Nous tentons également d’intercepter la grue, mais quand elle arrive, elle est accompagnée d’une forte équipe de protection et nous devons nous replier. C’est également les Allemands qui ouvrent le feu pendant notre retour, mais sans pertes pour notre groupe.

               Le 8 juillet, au cours d’une descente que nous avions effectuée sur  la  gare de Saint-Amour pour récupérer des marchandises sur un train que nous avions fait dérailler, un de nos camarades, Fernand Bailly, trouve la mort dans un accident.

COMBAT  DE  BRILLAT

               Le 10 juillet, les Allemands ayant concentré des troupes en vue d’une opération sur le Maquis du Haut-Jura, nous recevons l’ordre de nous porter sur Orgelet où nous arrivons le soir vers 18 h, avec 2 mitrailleuses, 2 FM fusils et mitraillettes. A chaque côte assez sérieuse, nous devons soulager la camionnette trop lourdement chargée.

               Nous avons dû faire une cinquantaine de kilomètres, souvent à travers bois, les routes normales étant coupées.

               Les renforts des groupes « Henri »  et « Liberté »  nous rejoignent à Orgelet et nous apprenons que les quelques camions d’Allemands sont en réalité une colonne assez considérable qui est stationnée à Poids-de-Fiole, où elle doit passer la nuit.

               On nous propose de l’intercepter entre Poids-de-Fiole et Orgelet. Ce parcours ne se prêtant pas à une embuscade, surtout en considération de l’importance de la colonne ennemie, Gutt décide de décrocher.

               C’est une section  du groupe Pigeon, qui elle aussi est venue en renfort d’assez loin qui en fera les frais, sous le commandement du sous-lieutenant Jean. Elle s’en tirera assez correctement et avec beaucoup de veine.

               De notre côté, on nous propose les routes Orgelet-Moirans ou Orgelet-Arinthod. Gutt opte pour la route Orgelet-Moirans, les groupes « Henri »  et  « Liberté »  partent sur la route Orgelet-Arinthod.

               Après un repas sommaire, nous faisons route sur Brillat à la nuit tombante et chacun se débrouille comme il peut pour passer la nuit car il pleut.

               Au jour,  Gutt part avec Bébert reconnaître des positions. Nous décidons de nous installer sur la rive droite de l’Ain. Les mitrailleuses sont installées au sommet d’une falaise rocheuse à une portée de 500 à  600 mètres et les FM et les fusils en contrebas de la falaise au-dessus de la rivière d’Ain. Les deux positions sont plus élevées que la route où doit passer la colonne allemande et la rivière nous en sépare. Le bois derrière nous offre un repli sûr. Deux sentinelles sont placées de l’autre côté du bois sur Onoz pour surveiller les routes et éviter toutes surprises par derrière. Tout est prêt. Nous avons faim et rien à manger.

               Vers 10 h, Gutt décide de partir sur Moirans en camionnette pour aller chercher du ravitaillement. A Moirans, affolement  général, une colonne allemande est signalée ayant déjà dépassé Clairvaux. A Brillat, nous sommes arrêtés et nous trouvons le Lieutenant Hervé et le Lieutenant Jean qui nous disent qu’aucune colonne allemande n’est signalée sur la route d’Orgelet-Moirans et que nous pouvons quitter nos positions pour nous installer ailleurs.

               Grosses erreurs des services de renseignements, car les Allemands sont en ce moment à moins de 2 kilomètres de Brillat. Nous regagnons en toute hâte nos positions. Les détachements allemands signalés sont les éléments précurseurs d’une colonne forte de 97 camions et 250 cyclistes.

               La camionnette réussira à passer au nez et à la barbe des premiers soldats allemands. Quelques instants après, une fusillade éclate du côté de Brillat après le Pont. Les Allemands font sauter le barrage au sommet de la Malapierre et les premiers camions ne tardent pas à arriver. Ils se regroupent avant de passer le pont en un convoi impressionnant. A midi, ce dernier s’ébranle, traverse l’Ain puis Brillat et attaque lentement la côte sur la rive gauche, précédé par les  cyclistes qui ne tardent pas à mettre pied à terre.

               Nous sommes aux premières loges pour suivre cela et nous attendons avec impatience l’ordre d’ouvrir le feu. Nous devons attendre que le dernier camion franchisse le pont. En tête de la colonne, les premiers cyclistes arrivent en vue du barrage situé au 2\3 environ de la côte. Ils sont accueillis par une rafale de FM des gars du groupe André, qui mal placés, ne peuvent tenir bien longtemps. Tous les Allemands se sont couchés sur la route. Quelques uns ne se relèveront pas. La riposte ne se fait pas attendre, on sent qu’ils ne sont pas à cours de munitions. Le deuxième barrage vient à son tour de céder et le convoi s’ébranle à nouveau.

               Il ne reste plus beaucoup de camions sur notre rive droite. C’est bientôt à nous de faire du bruit. A 14 h00 exactement, le dernier camion vient de quitter Brillat, nous en comptons en face de nous 35 qui composent la queue du convoi.

               Gutt dit à Niard : »Tu peux y aller » et notre mitrailleuse prend la parole tout de suite accompagnée par toutes les armes du groupe auquel le silence forcé commençait à peser sérieusement.

               Les Allemands dégringolent des camions après les avoir stoppés. Ils ne se rendent pas compte sur le moment d’où leur vient cette fusillade nourrie. Ils utilisent les moindres défauts du terrain pour s’y réfugier et pensent alors à nous répondre avec tout  leur armement, y compris des canons. Mais nous bénéficions d’une situation privilégiée, nous sommes plus élevés qu’eux et surtout mieux abrités. Leurs balles explosives viennent éclater sur le rocher en dessous de nous ou nous passent au ras de la tête. Les obus explosent contre le rocher ou loin derrière nous dans le bois. A 14 h40, Gutt fait replier les FM et fusils de la plate-forme sur laquelle les Allemands concentrent leurs tirs. Tout se passe bien et dans un ordre parfait, sous la protection des mitrailleuses du sommet. A 14h50, les canons qui ont rectifié leur tir nous serrent de près. Nous décrochons à notre tour et rejoignons les copains à la clairière pendant que les Allemands continuent à faire feu de toutes  leurs pièces sur nos anciens emplacements.

               Nous sommes au complet sans une égratignure. Les Allemands finalement cessent le feu et on entend bientôt les ventilateurs de leurs gazos, ponctués de coups de masse sur les moteurs des camions devenus inutilisable. Gutt pousse une reconnaissance aux rochers, les Allemands regrimpent déjà dans leurs camions.

               Nous sommes encore riches en munitions et le carton est bien tentant. Gutt n’y résiste pas. Il fait remettre tout le monde en position sur les rochers et à 15h20, le tir reprend toujours aussi nourri. C’est l’affolement général de l’autre côté, les camions sont évacués à grande vitesse. L’un d’eux cependant semble vouloir continuer la route. Sollicité par notre mitrailleuse, il ne tarde pas à stopper et à se vider de ses occupants, mais un de leurs canons est revenu et son tir d’entrée se révèle assez précis. Ordre est donné de décrocher rapidement. Il est 16h00. Nous nous replions sous bois que le canon pilonne toujours, mais nous atteignons Onoz sans accroc.

               Nous nous retrouvons au grand complet et sans la moindre écorchure dans la salle de l’unique café du pays. Nous allons enfin pouvoir manger et boire et même fumer une cigarette. Les gens du pays nous apportent à profusion œufs, beurre et fromage, auxquels nos estomacs vides depuis la veille à midi font grand honneur.

                Ce sont 25 maquisards du «Groupe Gutt » qui ont tenu en haleine toute une colonne allemande. Quinze camions ont été détruits, cent cinquante allemands ont été tués ou blessés. Mais nous avions dû abandonner notre camionnette tout près du Bourget et pour la ramener, si elle y est encore, il faut utiliser la grande route, ce qui n’est pas sans danger. Deux volontaires « Tête de bielle » et « Loulou » sont volontaires pour aller la chercher. Gutt les laisse partir et deux heures plus tard, ils sont de retour avec la camionnette’.

               Des volontaires se proposent pour la garde qui sera assurée aux abords du pays pendant que les copains passeront une bonne nuit sur la paille. Au petit jour, la camionnette lourdement chargée repart pour Nantey, se délestant à chaque côte de ses passagers que la bonne humeur ne quitte pas.

               En traversant les villages, nous sommes l’objet de nombreuses ovations. En arrivant à Nantey, nous apprenons que d’autres camarades du groupe « Libre Jura » sont partis en renfort dans l’Ain. Ils ne rejoindront le groupe qu’une quinzaine de jours plus tard. Ils participeront à plusieurs accrochages dont celui d’Echalon. Malheureusement, l’un d’eux ne reviendra pas, il s’agit de Jean Valentin « Tintin » de Pont-de-Poitte. Il faisait partie de l’équipe de protection du parachutage d’Echalon.

               Quelques jours après, on nous signale que de petits convois allemands font la navette entre le Jura et l’Ain par Orgelet-Moirans ou Orgelet-Cernon. Nous décidons de nous rapprocher. Le 19 juillet, c’est un convoi imposant composé de trois groupes :  « Libre Jura », « Liberté » et « Henri »qui traversera les villages sous les yeux étonnés des populations surprises de voir un tel rassemblement de maquisards. Le groupe « Henri » à Viremont. Les 3 groupes comptent maintenant au total 400 hommes les mieux armés du Jura.

               Fin juillet, une de nos patrouilles signale des camions allemands faisant route entre Orgelet et Moirans et demande du renfort pour les attaquer au retour. Deux sections armées partent immédiatement. Elles attendent en vain le convoi qui fait retour par Cernon. D’Arinthod, on nous les signale en fin d’après-midi, faisant route de notre côté. L’alerte est donnée. Tous les hommes disponibles sont armés et envoyés en position pendant qu’au cantonnement, tout est éteint  et fermé. Bonne précaution car une section allemande empruntant un chemin de bois traversera le pays tout à l’heure. Craignant d’avoir à bagarrer dans le village, nous le faisons évacuer par ses habitants. L’un d’eux qui voudra y revenir tombera sur les Allemands qui l’emmèneront et l’exécuteront le lendemain matin d’une rafale de mitraillette dans le dos, après lui avoir soi-disant rendu la liberté.

               Mais nous avons été alertés un peu trop tard et les Allemands sont plus près qu’on ne nous les avait signalés. Ils sont déjà engagés dans le chemin venant à  Viremont . Aussi une section montant en position est accueillie à 2 kilomètres de Viremont par une rafale de mitrailleuses qui n’atteint personne. La pluie serrée et la nuit tombante rendant la visibilité très mauvaise, avaient empêché une autre de nos mitrailleuses en position de tirer sur les Allemands. C’est un copieux arrosage d’un de nos FM qui oblige les Allemands à se retirer.

               A la faveur de la nuit, ils récupèrent les cadavres et retournent à Onoz où ils s’installent pour la nuit, après avoir incendié la ferme isolée de la Folatière.

               Ils ne sont qu’à 3 kilomètres de nous. Malgré la pluie, nous restons en position toute la nuit. Toutes précautions sont prises pour les accueillir. Les renforts arrivés des groupes « Henri » et « Frédo » nous font même désirer leur visite. Nous demandons aux gens de Viremont de ne pas regagner leurs maisons. Au matin, l’officier allemand se faisant accompagner par le maire d’Onoz vient reconnaître la route de Viremont.

               Après avoir longuement contemplé les sommets qui l’entourent, il se retourne vers le maire et lui dit :  « Non, nos camions ne pourraient pas monter, quel dommage ».

               Un peu plus tard, ils quittent Onoz non sans incendier plusieurs fermes. L’alerte est finie, nous regagnons le cantonnement  trempés,  comme jamais nous ne l’avons été. Les habitants de Viremont regagnent leur village, heureux de s’en tirer à si bon compte.

               Courant août, la libération de Lons-le-Saunier est enfin envisagée. Tous les maquis du Jura y prendront part. Le groupe « Libre Jura »y participe avec tout son armement. Le groupe prend position derrière la gare, dominant tout le quartier avec ses hôtels occupés par la Gestapo, la feldgendarmerie et la milice.

               Après être venus en camions le plus près possible, nous faisons à pied les derniers kilomètres. Nous ne sommes pas encore en position quand l’attaque est déclenchée. Nous nous installons rapidement et prenons part au grand concert.

               Nous assistons à un feu d’artifice grandiose. Alors que nous nous préparons à entrer dans Lons, on nous signale que depuis un moment déjà, l’ordre de repli a été donné. Incroyable mais vrai. La pilule est dure à avaler. C’est à mon avis la plus grosse couanerie qu’il puisse y avoir.

               Les maquisards étaient assez nombreux pour faire capituler les boches. Et les incendies d’immeubles et les massacres de la rue des Ecoles auraient été évités.

                                                               Raymond  BAILLY

 

 

 

                                                       

 

GUTT  GRANCHER

               Né à Pont-de-Poitte. Pilote remarquable par son habileté, son sang-froid et son audace. Cité à l’ordre de l’armée le 10 juin 1949 (Croix de Guerre avec palme). Le 27 mai 1940, au cours d’une mission en territoire ennemi, a eu son appareil atteint par des balles incendiaires. A réussi, le feu à bord, à repasser les lignes et à se poser en campagne, sauvant ainsi la vie de son équipage.

               ________________

               Citation à l’Ordre de l’Armée le 26 novembre 1945 par le Chef du Gouvernement provisoire de la République.

               Résistant de la première heure, ne perdit jamais la claire vision de ses devoirs et sut les accomplir avec courage et dévouement. S’est particulièrement distingué à Pont de Brillat lors de l’attaque de la 157ème division allemande(juillet 1944).

               Citation à l’Ordre de  la Division. Ordre général n°33 du 13 décembre 1945 de la 8ème région militaire.

               Pionnier du réseau. A organisé les différents services : renseignements, parachutages, maquis, transmissions.

               Arrêté à  Lons-le-Saunier par la milice, a subi de longues heures d’interrogatoires et de torture sans dévoiler aucun secret.

               Condamné à mort ; a réussi une évasion digne d’éloges mettant en émoi les résistants du Jura.

               Croix de Guerre avec étoile d’argent.

               ____________________

               Citation à l’Ordre de l’Armée. Décret du 1er avril 1946.

               Grande figure de la Résistance, organise dès 1940 les centres de Résistance de Clairvaux, Moirans, Orgelet, Saint-Claude, Arinthod, Conliège, comme chef de secteur « Combat et Franc-tireur ».

               En 1943, premier adjoint des agents britanniques parachutés en France, assure avec les départements du Jura, et Doubs et de la Côte d’Or de nombreux parachutages de personnel et d’armes. Prend part à divers sabotages, au transport des armes, à l’exécution d’agents de la Gestapo, puis effectue les liaisons avec la Suisse où il passe les courriers, émissions clandestines de radio.

               Soupçonné en 1941, condamné à mort par la Gestapo en 1942, abandonne sa famille, réussit à s’échapper de justesse à Dole le 14 mai 1942, pris à nouveau à Lons-le-Saunier le 30 mai par la milice, arrive à s’échapper le matin de son exécution après avoir subi, sans divulguer aucun secret, plusieurs heures de torture et d’interrogatoires. En juin 1944, organise le groupe « Libre Jura » et participe à toutes les actions militaires du Jura et de l’Ain.

               Se distingue particulièrement à l’attaque de Brillat le 11 juillet 1944 où avec une section, il stoppa pendant 2 heures une colonne allemande se dirigeant de Lons-le-Saunier sur l’Ain, neutralisant 25 camions et où de nombreux soldats allemands furent tués. Il parvint à décrocher sans aucune perte, sous le feu nourri de l’adversaire.

               Croix de Guerre avec palme.

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               Citation à l’Ordre de l’aviation de Renseignements du 29 octobre 1954.

               Officier pilote de belles qualités morales et d’une très grande conscience professsionnelle. Par son expérience, jointe à une droiture et à un sens du devoir digne des plus grands éloges, s’est imposé à tous comme un modèle. S’est particulièrement distingué le 3 septembre 1954 en évacuant deux blessés de nuit du terrain de La-Hai.

               Le 3 juin 1954, en recherchant un Dakota dans la région de Dong-Bo et en assurant, après l’avoir trouvé, sa surveillance et sa protection.

               Totalise en Indochine, 66 missions de guerre n° 2 et 132 heures de vol.

               Croix de Guerre des théâtres d’opérations extérieures avec étoile de vermeil.

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               Citation à l’Ordre de la brigade Aérienne, ordre général n°49 du général Jouhaud.

               Officier pilote qui n’a cessé tout au long de son séjour, de faire preuve des plus belles qualités morales et professionnelles.

               S’est particulièrement distingué le 11 juillet 1954 en effectuant une reconnaissance à vue basse altitude de la région de Lug-Nam, malgré une violente réaction des armes automatiques rebelles.

               Les 13 et 23 juillet 1954, en évacuant de nuit 4 blessés des postes d’Hono et des 7 pagodes, malgré les conditions atmosphériques défavorables.

               Totalise en Indochine, 103 missions de guerre n°2 en 190 heures de vol dont 37 missions de guerre n°2 en 58 heures de vol depuis sa citation.

               Croix de Guerre des T.O.F. avec étoile de bronze.

               __________________

               Après son retour d’Indochine, Gutt fut affecté aux environs de Paris. Il n’oubliait pas son cher Jura où il revenait en permission le plus souvent possible…Ce fut là qu’il avait rendez-vous avec son destin, quelque part entre Saint-Amour et Lons…Un virage pris un peu vite…Un accident banal…Et celui qui avait bravé tant de fois la mort fut cueilli par elle …

               Certes, de tels hommes ne meurent généralement pas dans leur lit…Gutt serait tomber au combat ou (en plein ciel de gloire) que nous nous serions plus facilement inclinés…Quoiqu’il en soit, il est parti bien trop tôt !...Nous tous qui l’avons aimé et qui le pleurons, nous conserverons à jamais au coeur son souvenir et son exemple !...

La Bifur

Juillet 1944 : aux alentours de Lons-le-Saunier les Allemands ont encore les moyens d’exercer ponctuellement la surveillance sur les routes, en particulier celle qui conduit à « la Bifur », lieu de jonction entre  les routes  menant à Saint-Claude et à Morez, tout cela à moins de 10 km de Lons.

Le drame se déroule le 1er Juillet dans l’euphorie du débarquement et des succès du Maquis.

Comment expliquer qu’en pleine nuit, à un carrefour particulièrement surveillé par les Allemands, à 2km de leur camp d’observation de Publy, une voiture chargée de quatre  Résistants qui avaient kidnappé un « collabo » ait pu se trouver là ?

Ce serait un détachement Allemand du camp de Publy qui les aurait interceptés alors qu’ils rejoignaient leur maquis FTP SOE « Liberté » de Fredo cantonnant en petite montagne.

C’est incompréhensible, d’où plusieurs interprétations et suppositions non vérifiables.

Le résultat, deux Résistants tués : le chef de groupe SOE Robert Couturier et un des responsables du maquis le cheminot FTP Robert Michaud. Deux autres Résistants  sont faits prisonniers, FTP eux aussi : Armand Meyer et le cheminot René Guichard. Internés à Lons-le-Saunier ils seront décapités à Cuiseaux (Saône-et-Loire) le 13 juillet 1944.  

LAVANCIA/RHIEN/EPERCY (Jura)

Trois villages situés au nord de Dortan(Ain) et, de chaque côté des rives de la Bienne. L’histoire de ces villages est liée étroitement à celle de Dortan. Ils seront unis dans la Résistance, puis dans la terrible répression de juillet 1944.

En juin les FFI occupent Oyonnax et Nantua, dans le Jura le plan vert se met en place.

Les allemands n’apprécient guère cette situation et préparent une terrible contre-attaque. Le 10 juillet débute l’opération Treffenfeld. C’est le mardi 11 juillet que le maquis est les habitants prennent conscience de la menace imminente de la répression.

Vers midi les FFI font sauter le pont d’Epercy. Dès la tombée de la nuit, c’est la fuite dans la forêt avec casse-croutes et couvertures. Au PC du maquis on décide d’évacuer Monsieur le maire de Lavancia handicapé par la perte d’une jambe. A Lavancia seuls restent quelques habitants, surtout des femmes très âgées.

C’est  à l’aube du 12 juillet que les allemands apparaissent. Une bataille s’engage entre eux et un groupe de « maquisards » qui les harcèle depuis les hauteurs avoisinantes. Au village de Lavancia les habitants qui sont restés se cachent pour éviter les balles qui sifflent de toutes parts. Madame Manini s’écroule mortellement blessée à la face. Les allemands rentrent dans le village désert, les maquisards se sont repliés.

Un villageois, Marcel Vincent qui habitait tout à fait à l’extrémité et un peu en dehors du village s’apprête à fuir dans la forêt. Les allemands, avec brutalité l’emmènent avec eux, laissant sa femme désemparée. On retrouvera son corps plus tard le long de la voie ferrée.

Les soldats commencent par piller puis ils procèdent à l’incendie du village, il peut être 6 ou 7 heures ;dans les étables les bêtes sont paniquées et beuglent de toutes parts, les deux ou trois femmes qui sont encore là tentent d’en détacher le plus possible.

Sur la  route de Saint-Claude un agent de liaison du maquis, Mr Paul Gourmand arrive en moto en provenance de Dortan, il ignore l’avance rapide des allemands. Ceux-ci, cachés non loin le laisse passer et l’abattent par derrière sans sommation à hauteur du pont d’Epercy.  En face de l’autre côté de la Bienne les allemands occupent aussi Epercy, ils interpellent deux hommes et incendient le village.

A Rhien, plus près de Dortan on a fui dès la veille au soir. Depuis les hauteurs les habitants aperçoivent les villages voisins en flammes. Les allemands arrivent vers 8 heures, ils emploient les mêmes méthodes qu’à Lavancia : pillages et incendies. Mme Octavie Gay, en voulant sans doute résister à un soldat est abattu froidement. Rhien sans doute incendié par deux vagues successives de soldats est bientôt, comme Lavancia et Epercy en feu. On s’efforce de sauver ce qui peut l’être, peu de choses mais qui auront beaucoup de valeur quand, après le départ des allemands, les villageois seront dans le plus total dénuement. Ces trois villages rasés ( il ne restera que deux ou trois maisons et l’église), les nazis se dirigent sur Dortan, ils y seront jusqu’au 21 juillet. Les habitants s’organisent pour le mieux, on faisait cuisine commune sur un vieux poêle resté là.

Les allemands venaient souvent narguer la population et recommençaient inlassablement leurs interrogatoires. Pour les habitants partis dans les bois, c’était un autre clavaire car les avions mitraillaient la forêt. Les hommes quand ils le pouvaient descendaient chercher un peu de ravitaillement en prenant évidemment beaucoup de risques. Certains s’aventuraient même à faire monter dans la forêt une vache et des moutons.

Un jeune homme de 28 ans, Henri Tréves était réfugié dans les bois avec un petit garçon de Saint-Claude employé chez ses parents. Après quelques jours de cette vie difficile dans la forêt avec un couple qui avait aussi avec eux un petit neveu de Saint-Claude. Ils décidèrent de reconduire ces deux enfants dans leurs familles. Ils arrivèrent par les bois au-dessus de Vaux et après avoir inspecté les lieux ils se risquèrent jusqu’à la route où ils furent arrêtés par des allemands planqués à proximité. Les deux hommes furent emmenés jusqu’au village de Molinges, le plus vieux âgé de 60 ans fut relâché mais Henri Tréves fut gardé avec d’autres jeunes gens des environs. Ce fut pour lui la déportation au camp de Neuengamme, il ne devait pas revenir.

Le 19 juillet au soir les soldats allemands réunissaient en gare une vingtaine de personnes, tous ces gens sont conduits jusqu’à Dortan. Ils sont interrogés, puis installés dans une maison. Ils passeront à Dortan cette nuit tragique au cours de laquelle 15 hommes pris dans la montagne ont été torturés dans le parc du château. Ils entendirent les cris et les coups de feu. Ils purent quitter Dortan le lendemain.

C’était d’ailleurs la fin du grand drame, le 21 juillet les allemands faisaient de Dortan un grand brasier puis ils quittaient les lieux.

La population pouvait alors regarder son malheur en face : tout était détruit, seules deux ou trois maisons avaient échappé au désastre. La vieille église dominait trois villages en ruines. Il fallait vivre cependant, s’accommodant courageusement  les uns dans un petit refuge sur le lieu des ruines, d’autres se réfugiant dans les villages voisins.

Ils attendront des baraquements provisoires en bois et purent rentrer sur leurs terres.

C’est en 1946 que les services de la reconstruction firent dresser le plan d’urbanisme du nouveau village, celui-ci prévoyait la construction du nouveau Lavancia sur un emplacement acquis grâce à l’expropriation à l’amiable de tous les anciens propriétaires.

 Ce terrain se situe le  long de la route de Saint-Claude, tout en étant à l’écart de la route nationale.

En 1947 les travaux commencent (routes, adduction d’eau) et à partir de 1948 la construction des maisons se poursuit malgré des difficultés de tous genres.

Le 14 juillet 1949 la croix de guerre était remise au village martyr. Au bout de dix ans, le village qui porte désormais  le nom de Lavancia-Epercy est  en grande partie reconstruit.

Sur le plan du nouveau village, l’emplacement de l’église était marqué ; mais qui pouvait entreprendre la construction de cet édifice ?

La vieille église avait échappé au sinistre, elle ne pouvait donc pas être rebâtie au titre des dommages de guerre ! Et la commune et la paroisse étaient trop pauvres pour songer à une telle dépense.

Mais en octobre 1951, Edgar Faure, ministre du budget après l’exposition internationale du bois à Lyon obtint pour la commune sinistrée de son département l’église en bois, chef-d’œuvre de cette exposition. C’est ainsi que l’église actuelle fut transportée de Lyon à Lavancia en février 1952 et reconstruite en trois semaines par l’entreprise Chaloz de Saint-Brieuc qui l’avait exécutée.

 

 

DORTAN VILLAGE MARTYR

Dès le mardi soir 11 juillet beaucoup de gens se réfugient dans les bois alentour.

Pourtant on croit pouvoir résister et on prévient la population qu’elle ne risque rien, mais le mercredi matin de toute évidence il faut partir- avec couvertures et provisions- il ne reste qu’une soixantaine de personnes dans le village.

Les allemands entrent à Dortan le mercredi matin 12 juillet à 11 heures. Leur première victime est le curé, un vieillard de 70 ans, il est abattu près de son église et son corps reste sans sépulture jusqu’au samedi à 16 heures. Un autre habitant Mr Colnet est massacré à coups de hache ; il sera lui aussi enterré le samedi 15 juillet.

Les troupes d’assaut font irruption dans le village par vagues successives, pour piller, détruire les appareils de tsf et le téléphone emportant des camions entiers de butin.

Le couvre-feu est installé pour la nuit, les troupes tirent sans sommation.

La vie communautaire s’installe au café Blondet, on obtient l’autorisation d’aller chercher des légumes.

Des femmes sont requises pour aller laver le linge, faire la vaisselle, la cuisine de l’occupant nazi. On dort sur des matelas récupérés, jusqu’à 15 par chambre.

Le mercredi 19 au soir, vers 11 heures un camion arrive transportant 16 jeunes du maquis, pris sur la route d’Echallon. On les emmène au château,QG des nazis, où ils sont torturés jusqu’au matin. Toute la nuit on put entendre leurs cris de douleur. Ils furent attachés aux acacias avec des fils de fer barbelés, massacrés et enterrés sommairement.

Le jeudi soir un officier allemand prévient ceux du café Blondet qu’ils faut monter au château dès le lendemain à 6 heures.

Les nazis ont placardé des affiches aux portes du château « A la population française » :

Quoique ce château servait pour les terroristes comme forteresse et refuge, les troupes d’occupation l’ont conservé considérant que c’est un monument d’une valeur culturelle très considérable. Signé le commandant.

Les nazis obligent les habitants à rester sur la terrasse du château pour assister, impuissants à l’incendie du village. En effet ce vendredi matin 21 juillet les allemands partent par groupes avec des grenades et des plaques incendiaires et mettent le feu maison par maison. Vers 9h30 les allemands quittent Dortan avec une colonne descendant d’Oyonnax.

Après leur départ la vie et la solidarité s’organisent peu à peu, les gens quittent les bois et viennent s’abriter au château. La salle à manger du château sert de mairie, les autres salles de dortoir.

Oyonnax et Saint-Claude aident au ravitaillement. La vie dure ainsi 18 mois, jusqu’à la construction de la cité provisoire, formée de baraquements suffisamment confortables.

Les premières pierres du nouveau Dortan furent posées en 1948. Les travaux s’étalèrent sur une décennie.